Extrait du journal
On a remarqué depuis quelques jours, dans la presse ministérielle et royaliste, un chassé-croisé de nouvelles, avancées d'abord comme des informations inédites, puis révoquées en doute, ensuite démen ties, enûn reprises le lendemain et dis cutées comme des projets sérieux et qui doivent tôt ou tard être réalisés. Tous ces petits manèges réussissent à intriguer et à piquer la curiosité publique : s’ils se prolongeaient davantage, ils risqueraient de déconccrterl’opinion et d’ajouter à l'in quiétude des esprits qui retarde, depuis trop longtemps, la reprise des affaires. Tantôt, c’est un projet de plébiscite qui est attribué au gouvernement, et que le gouvernement se croit obligé de démen tir. Tantôt, c’est un plan do réforme électorale que l’on met, comme le projet de plébiscite abandonné la veille, sur le compte du gouvernement, et, cette fois, les organes ministériels se contentent de dire que le gouvernement ne s’occupe point d'une telle question, laissant à l'Assemblée souveraine le soin de décider co qui devra être fait à cet égard. On sent qu'il y a dans tout cola un système, une tactique habile à prendre toutes les formes, à se servir de tous les moyens. Quand ce n’est pas un bruit qui circule, c'est une dépêche équivo que, énigmatique, qu'eu lance dans le pu blic, et si la nouvelle parait peu sûre, c'est à la polémique des journaux qu’on s'en rapporte pour en tirer tout l’effet quelle doit produire. Quant an but que l’on veut atteindre, il est évident et frappe tous les yeux. Toutes ces insinuations, toutes ces habiletés, visent avec ensem ble au même point: on prépare quelque coup contre le suffrage universel ; on va l'altérer, le mutiler, peut-être le dé truire. Certes, la tâche est rude, et courageux sera le pouvoir ou le parti qui osera ^'entreprendre. Non-seulement le suffra ge universel est l’origine de tous les pouvoirs qui nous gouvernent à l’heure actuelle, mais il est le pacte fondamen tal de notre état politique, la pierre an gulaire de la société française. Au milieu de tant de ruines accumulées autour de nous, le suffrage universel seul est resté debout ; c’est à peu prés tout ce que l'on a pu sauver du grand naufrage d'où nous sortons à peine ; et voilà que tout à coup Von voudrait nous le ravir ! Quand tous nous aspirons au repos, à la paix so ciale, brusquement on remettrait tout en question, et Von arracherait jusqu’aux pierres des fondements de l'édifice ! Mais qui donc, parmi les Français que le suffrage universel a faits tous égaux, et à qui il donne les moyens de se gouverner librement à l’abri du retour des révolu tions, méditerait une pareille entreprise sur notre malheureux pays ? La chose pa rait impossible. Et cependant qui ose rait dire que la pensée d'un tel attentat, le plus grand péril politique et social que nous puissions essuyer après en avoir tant traversé depuis quinze mois, ne germe pas dans la tête de quelques hommes ? A de certains indices, à de certaines révélations calculées, est-ce que ce n'est pas malheureusement trop clair? Quels sont ces hommes ? Il faut le dire, il y va du salut de notre nation. Oui, si quelque part il existe un parti qui songe à faire sa fortune en attaquant le suffrage universel, il faut dénoncer ce parti à la France comme un parti funeste, criminel, qui met ses intérêts au-dessus de ceux du pays, et qui, vraiment cette fois et à la lettre, cherche à asseoir sa domination sur les ruines mêmes de la patrie. Car, en core une fois, si vous nous enlevez le suf frage universel, que nous restera-t-il ? à quel principe nous rattacher désormais ? quelle autorité supérieure invoqueronsnous? que subsistera-t-il dans notre so ciété, au-dessus de nos divisions et de nos querelles? Rien. L’esprit s’effraye devant une telle perspective, si désolante et pourtant si certaine. La France, abaissée au dehors, livrée à l’intérieur à toutes les intrigues, exposée aux ambitions les plus coupables, ne tardera pas à s'épuiser dans l’impuissance et à dis}»aiaitre d'entre les nations. C'est là lu sort qui...
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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