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La République française, 14 avril 1911

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La République française
14 avril 1911


Extrait du journal

A-t-on bien fait, a-t-on eu tort de délimi ter ? Pour le moment ce n'est pas, ce n est plus la question. Nous la reprendrons dans quelques jours. Aujourd’hui, il s'agit de sa voir comment ont pu se produire les scènes de guerre civile que les journaux rappor tent. Depuis le moment où l’on a su que l’Aube en révolte avait réussi à effrayer le gou vernement et avait obtenu que la question des délimitations fut remise en question, il était connu que la Marne à son tour se ré volterait. M. Lannes de Montebello avait, en termes très nets, averti le gouvernement. Et le gouvernement n’a rien prévu, n’a rien ordonné pour empêcher l’émeute. Les bandes qui ont pillé, volé, brûlé, sont des bandes révolutionnaires. Ce n'est pas parce qu'on les appelle « des vignerons » que les incendiaires nous paraîtront moins coupables. Ils sont allés au feu, au client de l'Internationale et derrière le drapeau rouge. Nous ne trouvons pas extraordinaire que les gens de la Champagne ne goûtent pas les incohérences,- du gouvernement et récla ment une législation bien établie, png. re~, connaissance définitive de leurs droits à“ l'a bri de laquelle ils puissent exploiter leurs terres. Cela est trop juste. Mais, il n'était pas besoin pour cela de saccager les celliers et de brûler les maisons. Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi les vignerons se sont acharnés contre les commerçants. Cela n’a rien à voir avec les délimitations. Ils sont allés jusqu'à brûler des vignes cham penoises autour d’Av. Dira-t-on que c’est pour protester contre l’adjonction des vi gnes de l’Aube ? A la rigueur, on aurait, non pas admis, sous n'importe quel prétexte, mais compris que la colère des travailleurs qui se croient lésés se tournât contre la sous-préfecture ; mais qu'avaient à faire dans ce conflit les maisons qui ont été pillées ? La démence populaire s’est déchaînée contre les bourgeois, contre les maisons à pignon, contre le château, contre le patron. Seuls, dans la presse, les journaux socia listes exultent. Et ils ont raison. La jour née a été bonne pour eux. C'est-à-dire qu’elle a été mauvaise pour la République. Les gendarmes et les soldats ont assisté, impassibles, au déchaînement de l'émeute ; tandis que sept maisons brûlaient dans Ay, six escadrons de hussards attendaient des ordres devant les portes de la ville. C’est là le fait grave, le fait nouveau qui prime aujourd’hui le problème même de la délimi tation. 11 s'agit de savoir, en effet, si les Français paient un budget de plus de quatre milliards pour n’avoir pas même la garan tie de leur sécurité et la protection de leurs biens. Jusqu’ici, les gouvernements avaient con sidéré que leur premier devoir était d’assu rer l’ordre. Le gouvernement actuel vient de montrer qu'il était radicalement incapable .de remplir cette mission essentielle. Il est le prisonnier des socialistes ; il accepte la pro tection de M. Jaurès et, sans elle, il aurait été déjà forcé d’abandonner la place. Il ne peut pas mécontenter ceux qui lui laissent la permission de vivre. Et voilà pourquoi l'or dre de rétablir l’ordre rfest arrivé, mercre di soir, à A y et à Epernay, que lorsque les émeutiers, fatigués de piller et de brûler, avaient eux-mêmes abandonné la lutte. D’ailleurs, Vémeute a recommencé hier matin. Elle ne cessera plus. L’autre jour, c’étaient les cheminots, puis les dockers, puis les vignerons ; demain, le désordre recommencera sur quelqu’autrc point. L'agitation révolutionnaire croit en raison de la faiblesse des gouvernements et de l’incohérence de leur politique ; c’est as sez dire que nous sommes voués aux pires désordres. La révolte de la Champagne est un des symptômes les plus pressants, les plus évi dents que le régime ait provoqués. 11 n'y aura plus désormais, pour contester celte évidence, que ceux qui ont intérêt à ne pas voir et à ne pas comprendre^ Le t ose in d’Ay a sonné le glas du régime. Louis Latapie....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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