Extrait du journal

Alors nos malheureux quêteurs de réaction se rabattent sur les idées chimériques ou violentes, sur les déclamations impatientes qui se font jour ici ou là; ils applaudissent aux folies, y poussent dans la mesure de leurs petits moyens, espèrent y voir verser la majorité et attendent le mo ment où la conduite des affaires de la République sera frappée de vertige et où la nation ne verra plus son œuvre qu’avec horreur. Mais le suffrage uni versel est toujours là, qui veut que la République vive et qui a l'instinct profond des conditions d’existence et de durée qui s’imposent à elle. Les monarchistes essaient en vain de s’é tourdir pour ne pas se rendre compte du cercle vicieux infranchissable dans lequel ils se débattent. Ils veulent faire peur au suffrage universel des œuvres du suffrage universel. Leur isolement s’accentue chaque jour. Le régime républicain fait de nouvelles recrues sans cesse, à mesure que les généra tions attachées aux anciens régimes et aux vieilles superstitions s’éclair cissent et que des générations nou velles naissent à la vie publique. C’est ainsi qu'on voit un régime fondé depuis près de treize ans conquérir, dans un renouvellement par moitié des conseils départementaux, de cent vingt à cent cinquante cantons qui avaient jusqu’à présent résisté à son action et, après avoir eu con tre lui au début le plus grand nom bre des conseils généraux, s’assurer la majorité dans tous les départements successivement : il restait dans toute la France,la semaine dernière,dix-sept conseils généraux en majorité monar chistes, il n’en reste plus que neuf. Quant à cet excès du mal, dont les petits Machiavel s de la réaction es péraient voir sortir ce qu’ils appellent le remède, leur déception n’est pas moindre de ce côté. Jamais élections ne furent plus sages, mieux ordonnées, plus gouvernementales au bon sens du mot. C’est précisément cette fois l’opposition anticonstitutionnelle qui se trouve dans la situation où se sont vus les gouvernements monarchiques après un semblable laps de temps : c’est sa décadence qui se précipite, c'est elle que l’irrémédiable décrépi tude envahit....