Extrait du journal

Il y avait un jour un audacieux navigateur qui, ayant armé un bateau à voiles, se lança à travers l’Atlantique. Trois mois plus tard, après mille vicissitudes, il abordait sur les côtes d’Amérique. Le inonde entier s’enthousiasma pour cet exploit et c’est ainsi que Christophe Colomb, c’était le nom de ce marin, passa à la postérité. Cinq siècles ont passé. Un autre homme, M. Alain Gerbeault, vient de renouveler cet exploit et la faveur dont il jouit n’est pas moins grande que celle de son illustre devancier. Et pourtant, depuis Christophe Colomb, on a tra versé maintes fois l’Atlantique en bateau, et j’en sais qui n’ont pas mis plus de cinq jours et quelques heures. D’aucuns sont même allés en avion d’un continent à l’autre. N’empêche que M. Gerbeault est célèbre. Pourquoi?... Uni quement parce qu’il est en retard de cinq cents ans sur le progrès. Nous avons des avions qui s’élèvent à dix mille mètres d’altitude et d'autres qui volent à quatre cents kilomètres à l’heure. Cependant, il y a des hommes qui, ayant enlevé les moteurs de leurs appareils, risquent chaque jour de se rompre les os pour s’enlever péniblement à quatre-vingts mètres du sol et aller d’un coteau à un autre. Le grand champion de l’aviation sera celui qui renouvellera l’exploit d’Icare et se laissera choir d’un cinquième étage avec une plume au derrière. Les athlètes d’aujourd’hui s’efforcent à res sembler à ceux de Rome. Ils s’exercent à lan cer le javelot, qui est pourtant une arme bien désuète en un siècle qui connaît les canons à longue portée et les carabines à répétition. On lance le javelot, on traverse l’Atlantique à la voile, la Manche à la nage, on navigue en l'air par la seule vertu des vents. En vérité, ce n’était pas la peine que tant de gens se soient donné tant de mal en faveur du progrès. JASON...