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La République française, 22 juin 1873

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La République française
22 juin 1873


Extrait du journal

Les journaux du ministère n’imitent pas la réserve cauteleuse que M.Ernoul, gar de des sceaux, a affectée dans la séance de jeudi à l’égard du gouvernement tombé le 2i mai. Les organes de la Droite ne se gênent pas pour déclarer que la majorité qui s’est prononcée pour les poursuites a porté une condamnation contreM.Tliiers. Le Français, organe semi-officiel de «l’embrogliamini », va même jusqu’à dire, en contemplant les 467 voix qui ont livré le représentant du Rhône aux tribunaux d’exception : voilà la majorité ministé rielle. Est-ce encore pour prouver que les considérations politiques étaient étran gères au débat V Il parait bien que, parmi les partisans les plus dévoués de l’ancien président de la République, on a déjà le sentimenLde la faute commise. Nous en trouvons la preuve dans le passage suivant que nous extrayons d'un des journaux qui ont le plus constamment soutenu la politique personnelle de M. Thiers, le National : M. Thiers, si nous sommes bien informés, était résolu à parler ; il en a malheureuse ment été détourné par ses amis du Centre gauche. L'ancien président de la République avait pris ses dispositions afin d être prévenu au cas où il y aurait eu nécessité pour lui de faire entendre sa voix. M. Dufaure avait mis sion de répondre au nom du précédent gou vernement, et M. Jules Simon de demander, en cas de besoin, le renvoi au lendemain, qui aurait permis à M. Thiers d intervenir. Il est incompréhensible que ni M. Dufaure, ni M. Jules Simon n aient jugé que la tour nure prise par le débat appelait une réponse de l’un des membres de l’ancien ministère et même l'intervention de M. Thiers. Le silence gardé hier par les hommes dont nous parlons nous parait regrettable: car, cette fois, M. Thiers, après les provocations dont il est l’objet dans toutes les feuilles de la réaction, aurait pu parler avec une entière franchise et faire entendre des vérités dont le pays a soif. Il n’aurait pas eu à compter avec les nécessités gouvernementales qui, si sou vent, ont entravé l’expression de sa pensée. M. Thiers, nous le croyons sincèrement, a eu tort de laisser échapper l’occasion qui se présentait d’exprimer complètement ses idées sur la situation présente et sur l’avenir de la République, tout en faisant connaître ce qui s’ôtait, passé dans les régions gouvernementa les relativement à M. Ranc, si tant est qu’il se soit passé quelque chose. M. Thiers pouvait déployer en cette circon stance le drapeau de la République conserva trice, comme il la comprend, en se séparant des radicaux, si telle était son intention, mieux qu’il ne l’a fait par son silence. Quand on a été si longtemps obligé de ne dire que la moitié de sa pensée, c est une faute de ne pas saisir, lorsqu’elle se présente, l’oc casion où il est permis, sans que cela puisse paraître hors de saison, d exprimer cotte pen sée complète. La faute est plus grande encore quand on sait qu’une partie de la population attend impatiemment cette révélation. L’ancien président de la République s’est encore laissé entraîner, cette fois, par de peti tes considérations de tactique, et l’on a lieu de croire que l’intervention de M. Laboulaye venant si maladroitement, au début du la dis cussion, chercher à la clore par la déclaration qu’il a faite des intentions du Centre gauche, n’avait d'autre objet que de faire tourner court cette discussion et d’empêcher ainsi l’in ter vent ion de M- Thiers. L’attitude du Centre gauche en cette cir constance a été d’autant plus remarquée que ce groupe vient de se reconstituer en prenant pour président l’un des ministres renversés le 21 mai, M. Léon Sav. On prétend que dans un prochain remaniement ministériel le Cen tre gauche serait récompensé de l’attitude qu'il a eue hier; et l’on cite même M. La boulaye comme devant obtenir un porte feuille. Ce langage confirme ce qu’on nous dit de divers côtés, que M. Thiers a trop compté sur ses amis,que ceux qui avaient promis emphatiquement d’être « les amis sûrs du lendemain » ont déjà oublié leur chef et qu’ils ont trahi ses intentions. Mais M. Thiers serait-il bien venu à s’en plaindre ? N'a-1 il pas se» entrées à l’As semblée, et ne lui suffit-il pas, pour affron ter la vue de M. Ernoul, d’être l’élu de vingt-six départements? Etait-ce bien la peine de faire l’éclatante rentrée du 27 mai, pour subir, par procuration, un outrageant abandon V M. Thiers mesurera peut-être trop tard ce que les petites considérations de tacti que, suivant l’expression du National, lui auront fait perdre dans la grande estime du pays....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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