Extrait du journal
M. Eymard-Duvernay, tout en voulant restreindre le divorce, crée deux nou veaux cas de dissolution du mariage : l’absence déclarée, et la condamnation définitive de l'un des conjoints à une peine perpétuelle ou môme simplement infamante, lorsque ce conjoint n’a pas participé au fait délictueux. Le paragra phe 3 de l’article 227 du code civil faisait de la condamnation de l’un des époux à une peine emportant la mort civile une cause de dissolution du mariage. Le rap port de M. Labiche étend le bénéfice de cette disposition, rendue inutile pour l'instant par la loi du 31 mai 1854, à l’é poux dont le conjoint a été frappé d’une simple peine infamante. Dans ce cas, ainsi que dans celui d’absence déclarée, la dissolution n’est pas de plein droit: il faut qu’elle soit demandée au tribunal par l’époux qui désire en bénéficier. Toute facilité lui est d’ailleurs laissée pour un nouveau mariage. M. Eymard-Duvernay admet aussi le divorce, mais dans trois cas seulement. L'honorable sénateur de l’Isère est un érudit ; il connaît les législations étran gères, et a. un peu trop cherché à copier les codes anglais,ou hollandais,ou prus Siens. Les causes de divorce reconnues par lui sont les attentats volontaires de l’un des époux à la vie, à la santé, à la liberté,-à l’honneur de l’autre ; l’adultère constaté ou l’inconduite notoire et scan daleuse pendant les deux premières an nées du mariage ; l’abandon de l’un des époux par l'autre dans le môme délai. Dans tous les cas de divorce, suivant le système de M. Eymard-Duvernay, le re mariage est interdit à l’époux contre le quel le divorce aura été prononcé, avant que l’autre époux soit mort, ou soit remarié, ou ait donné son consente ment à la nouvelle union de son ancien conjoint. Le texte présenté au Sénat inter dit le divorce par consentement mutuel, celui pourtant qui, entouré de prescrip tions rigoureuses serait peut-être appelé à rendre le plus de services. C’est en tous cas le seul dont puissent profiter deux conjoints également honnêtes, puis que tous les autres cas supposent l'indi gnité de l’un des deux époux au moins. Autant inscrire dans le code que les hon nêtes gens sont indignes de bénéficier du divorce. Mais ie projet Eymard-Duvernay sou lève des critiques encore plus graves. D’a bord l’abandon et même l’adultère d’un époux ne peuvent motiver le divorce que dans les deux premières années du mariage. L’honorable sénateur de l'Isère semble reconnaître ainsi qu’un ménage n’a droit qu’à un maximum de deux ans de bonheur ou môme de repos. Bien heureux ceux qui obtiennent ces deux ans ! A partir du vingt-cinquième mois, un des conjoints peut sc livrer aux écarts les plus blâmables. La loi n’a rien à dire, ou presque rien. Un autre point du projet est encore plus singulier. Le divorce - ne pourra ja mais être invoqué par des époux qui ont des enfants. La fin de non-recevoir est absolue : là nous avouons ne pas com prendre. Eu effet, si jamais divorce est légitime, nécessaire, indispensable, n’estce pas par exemple quand une femme de mœurs dissolues traîne dans la boue du ruisseau le nom de son mari? Alors, dira-t-on, le divorce peut être prononcé dans les deux premières années d’union, au moins. Mais si cette femme coupable est en même temps une mère indigne, si elle souille non seulement le nom de son époux, mais le nom de ses enfants, alors, la loi au lieu d’intervenir en fa veur de ces mineurs, les livre à la honte en empêchant que la justice rompe une union qui devient pour eux une op probre ! Il nous parait difficile que le Sénat sanctionne une théorie si immorale. Il aimera mieux rétablir purement et sim plement la page du code civil déchirée par les assassins du maréchal Brune et du maréchal Ney....
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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