Extrait du journal
Néant ! Pas de titre ! Un blanc ! Rien ! Nous voulions parler de la rentrée au Palais-Bourbon. Mais quoi ? 11 ne s'est rien passé ; on n’a rien fait ; on n’a rien dit. — Cependant, il y avait des dépu tés ? — Peut-être ! — Un gouverne ment ? — Qui sait I Jamais on n’a rien vu de pareil. En aucun temps, dans noire histoire, de puis les longs sommeils de la pensée sous le règne des Maîtres absolus, qui pensaient pour la nation, on n’avait assisté en France à un pareil renonce ment de tous à tout. C’est la mer d’huile lourde, la mer sans colère et sans sourire, la mer morte... Ce n’est pas une mer, c’est une flaque plate qu’aucun souffle ne creuse... Ce n'est pas une flaque, ce n’est rien ; c'est le vide parfait. A peine était-il monté à son fauteuil, le président s’est mis à lire des deman des de congé — comment, déjà ? s’est écrié quelqu’un. — Mais oui, ceux-là sont les vrais sages qui ont demandé à revenir en vacances le jour même de la rentrée. A quoi bon les longues sta tions sur les banquettes, dans l’atmos phère épaisse du Palais-Bourbon, sous la pluie des discours inutiles ? 11 n’y a pas de majorité pour vouloir et pour faire quoi que ce soit ; il n’y a de vo lonté pour aucune réforme ; et tout le monde sait à l’avance que rien ne peut et ne doit aboutir. La Chambre, dès le premier jour, a décidé de renvoyer à... plus tard, toutes les affaires sérieuses. Elle se nourrira de broutilles, en attendant, comme elle a fait depuis le commencement de la législature. Que voudriez-vous qu’elle fit ? Elle est frappée d’incapacité parce que la majorité qui gouverne et qui profite se désagrégerait au premier mouvement. Radicaux, radicaux-socia listes et socialistes qui composent cette majorité ne peuvent s’entendre ni sur les retraites ouvrières, ni sur l’impôt sur le revenu, ni sur le statut des fonc tionnaires, pas même sur la réforme des conseils de guerre. Alors, tout le problème consiste à ajourner sous des prétextes variés la discussion de ces réformes, à reculer l’heure de la désa grégation, la fin du risque. M. Clemenceau exulte à ce jeu. — Vous allez voir, vous allez voir, crie-t-il sur les tréteaux ; nous allons faire ceci et cela, puis ceci, puis cela... à la fin de la représentation ; en attendant, admi rez ce tour de passe-passe, écoutez cette sombre histoire de complot... et que dites-vous de cette pirouette ? L’assemblée n’applaudit même pas, parce que c’est fatigant ;• et. puis elle n’aime pas cet artiste ; elle le supporte, et elle le supporte parce qu’il est dans sa nature de supporter tout . Pourquoi changer ? Les nouvellistes inutilement affairés demandaient hier dans les couloirs si le ministère était solide. On ne sait pas. Personne n’a une raison de le renver ser ; ce qui revient à dire que personne n’a une raison de le soutenir. .Per sonne ? C’est trop dire. Il y a bien ceux qui voudraient le remplacer ; mais comme ils sont deux ou trois douzaines ministrables et qu’il faudrait qu’ils s’évincent les -uns les autres, cela de manderait un effort dont ils ne sentent pas capables. Désirer ! C’est à peine s’ils en ont la force. Mais vouloir ? Jamais ! Qu’est-ce donc qui a frappé cette assemblée d’impuissance, qui a tué en elle toute passion, toute velléité, toute pensée ? Il y a d’abord le régime, ce régime du pouvoir partagé ou des pro fils du pouvoir partagé, ce régime oui...
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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