Extrait du journal

A LA CHAMBRE On connaît les raisons de fait qui ont détermine le gouvernement à demander l’ajournement des élections municipales au premier dimanche de mai. Ces raisons sont de celles qui tombent sous le sens et auxquelles les esprits bien portants n'ont pas même la pensée de faire la plus timide objection. La loi municipale n’est pas en état ; or, les élections mu nicipales devant avoir lieu le 10.janvier, il faudrait de toute nécessité, si on ne les ajournait pas, les recommencer quel ques semaines après. 11 est donc indis pensable de les ajourner. Voilà, vrai ment, qui est élémentaire, et nous com prenons l’éloquente vivacité avec laquelle le rapporteur M. Folliet a rappelé à la Chambre des vérités si simples, quelles s’imposent. Cette vivacité d ailleurs s’ex plique d autant mieux que M. Folliet ré pondait à M. Barodet. Il est difficile, en effet, d'imaginer quelque chose de plus saugrenu, de plus ridicule, de plus pauvrement pompeux que la façon dont l’honorable député de la Seine a critiqué cette honnête de mande d'ajournement. Ah ! la ma nie de l’opposant quand même est une manie bien dangereuse! Ainsi, voilà un homme, un brave républicain dont les intentions doivent être pures et qui pourrait, nous n’en doutons pas, rendre de menus services à la démocratie s il voulait combattre dans le rang, se tenir à la place que lui assignent d honorable s mais peu éclatantes facultés. Eh bien,pas du tout ! il faut qu’il rédige des projets du loi farouches, se mette en tête d’oc cuper le monde de soi, monte à la tri bune à chaque instant, avec des déclara tions, des programmes, toutes sortes d’histoires extraordinaires et à dormir debout. * Ce n’est pas un historien, ce n’est pas un savant, ce n est pas un écrivain, ce n’est pas même un orateur. Il ne peut pas dire deux mots de suite qui aient le sens commun, n’a ni tact, ni verve, ni bonne grâce, ni bonne humeur. Il a,il est vrai, de la bonne volonté; mais la bonne volonté ne nous donne pas le droit de prendre la République au collet et de lui dire tous les matins, à propos de tout et de rien : Tu vas aller ou je te dis d’aller, et il faudra filer droit comme un I. Et c’est cependant à cette haute tâche que prétend la haute ambition de M. Barodet. Hier encore il l’a bien mon tré à la Chambre. Mais voyez la mi sère ! Quand les rôles où nous nous essayons sont trop grands pour notre taille, nous en paraissons du coup rape tisses et pitoyables. M. Barodet en a, une fois encore, lait la cuisante expé rience. C’est fort bien de se dire dans le silence du cabinet : Je vais terrasser le gouvernement de mon pays. Mais le jour de l’exécution arrivé, ou ne sait plus quelle contenance tenir quand on n’a aucune raison, aucun prétexte, pour .jus tifier son courroux ou son indignation. Si au moins on était vivant, éloquent; si on possédait cet art d’avoir l’air de dire quelque chose alors qu’on ne dit rien. Mata non ! on n'est ni vivant ni éloquent et on ne possède aucun espèce d’art. Alors, que voulez-vous ? on se lance a la mer tout de môme et on risque au petit bonheur toutes les balivernes, qui vous peuvent passer par l’esprit. On est violent, naïf, enfantin, et le spectacle que l’on donne est en vérité bien misé rable. Que voulez-vous en bonne fran chise, demander à des gens qui n'ont ja mais pensé de leur vie» ne savent rien,...