Extrait du journal

Depuis un peu plus de quinze an nées que je suis entré dans ce jour nal, je n’y ai jamais pris la plume que pour y dire, sans trop de pré cautions oratoires, toute ma pensée, alors même qu’elle ne devait point plaire à tous mes amis ni à tous les puissants du jour ; je prends la li berté de continuer. Nous n’avons point l’habitude de juger les gouvernements sur leur seule composition ou sur leurs seules déclarations: nous les jugeons, bien ou mal, mais toujours très franche ment, sur leurs actes. Le ministère qui est en voie de se former ne fera point exception à la règle. Voici cependant ce qui le caractérise avant même d’être officiellement constitué : ce n'est ni l’arrivée d’un homme nouveau à la présidence du conseil, ni le maintien de tel ou tel ministre, ni même la promotion de tel ou tel sénateur ou député ; c’est l’exclusion systématique de M. Constans. Cette exclusion est-elle une faute? L’avenir, peut-être un ave nir prochain, nous le dira. En tout cas, il y a autour de cet ostracisme un certain parfum d’ingratitude, d’intrigue et de peur, — et j’ai le regrét de dire en toute sincérité que je n’aime point cela. Je n’ai jamais pensé que M. Cons tans ait été le seul vainqueur du boulangisme : j’ai même échangé deux balles avec M. Paul Dêroulède pour lui avoir dit, en pleine Chambre que, M. Constans disparu, resterait toujours le parti républicain qui avait battu et qui battrait encore toute tentative de dictature. Et si j’ai été souvent d'accord avec la politique de M. Constans, il m'est...