Extrait du journal
LA POLITIQUE Le Referendum Hier, par un beau soleil printanier qui ver sait dans tous les cœurs la joie de vivre et l’amour du prochain, deux cent mille mineurs de France, obéissant à un mot d’ordre, ont défilé devant une boite percée et ont voté sur cette simple question : — Le moment est-il venu d’affamer l’industrie, de ruiner la France, de chambarder la société ? Oui ou non, laut-il déclarer demain la guerre civile ? Car c’est bien cela que contient le petit pa pier plié en quatre que les mineurs ont jeté dans l’urne à la sortie des puits. La grève générale des mineurs entraînerait, en effet, la grève et la ruine de toutes les industries qui consomment du charbon. On se rappelle, d’ailleurs, qu’à la dernière réunion de Lens les représentants de la Bourse du travail de Paris sont venus déclarer, au nom de vingthuit corporations ouvrières, que le travail se rait arrêté, dans toutes ces corporations et sur tous les points de la France, le jour où les mineurs voteraient la grève. Les mineurs sont à la source môme du tra vail national ; ils tiennent dans leur main le sort de toute l’industrie ; et c’est bien sur le sort de toute l’industrie qu’ils se sont pronon cés hier. Ce referendum est certainement un acte de la plus haute importance. Si on ne s’en est pas autrement ému, c’est qu’on connaît, cette fois, à l’avance la décision qui doit en sortir. La grève générale ne sera sans doute pas votée. Un mot d’ordre a été propagé qui va remettre à six mois la fatale échéante. Six mois I... Un siècle ! Voilà où nous en sommes arrivés. Un essai de mobilisation pour la guerre civile peut être tenté ouvertement, et personne ne s’en étonne. Le péril, pour être ajourné, s’il l’est, a sin gulièrement grandi depuis hier. Ce referen dum, en effet, est chose grave. Le seul fait d’avoir pu, avec la permission, avec la tolé rance du gouvernement, instituer au cœur du pays une consultation libre, un vote légal sur la question de savoir si bon va déchaîner la guerre civile, ce seul fait constitue un avantage inappréciable, un progrès effrayant, une réelle victoire du parti révolutionnaire sur la veulerie incroyable de la majorité de la nation inconsciente et trahie. Oui, en d’autres pays, on a vu le peuple convié à donner son avis sur des questions d’intérêt national, proposées à leur discus sion et à leur choix, par la voie légale, sur des textes arrêtés par le pouvoir législatif. Mais c’est la première fois qu’on assiste à un appel public pour une action révolutionnaire ; c’est la première lois qu’on voit une catégorie de citoyens discuter et décréter le sort de la nation, sous la direction de quelques chefs de parti, sans mandat et sans scrupules. Avant de savoir ce que ce referendum a dé cidé, nous disons : il a eu lieu ; il a pu être accompli. Et cela est une faute ; cela est une défaite, cela est une trahison.. Demain est à la merci d’une poignée d’agi tateurs. Et ce qu’il y a de plus grave en cette affaire, c’est que la nation assiste à de pareils événe ments sans se douter de leur gravité. La France s’intoxique, s’asphyxie de socialisme, progressivement. Les mineurs étaient tout indiqués pour pré parer ce suicide au charbon. L. L....
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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