Extrait du journal

AU moment de parler d’une conférence que je vais faire, mon cœur se serre à la pensée de ce pauvre Beaunier mort mercredi et qui devait, le surlendemain et le jour suivant, parler devant les auditeurs de la Revue Française à Lille, à Roubaix et à Tourcoing. Dans ce milieu assez méchant des gens de lettres où l’on a la dent mauvaise parce qu'on aime à faire de l’esprit, je n’ai entendu depuis huit jours que des propos aimables et délicats sur ce confrère disparu. C’est qu'il était à la fois plein d’indulgence pour autrui et très ferme dans ses jugements. Avec cela, causeur charmant ; et, ce qui fait la principale dignité de la vie, grand travailleur. Très ordonné, il avait réglé son temps à merveille et passait chaque jour le même nombre d’heures à son bureau. Des hommes comme celui qui écrit ces lignes envient de tels écrivains, qui consacrent le meilleur de leur vie aux belles lettres, et qui goûtent ainsi des joies nobles et douces, interdites aux hommes plus actifs, que la dureté des temps à jetés dans certaines bagarres....