Extrait du journal

Le gros événement de la semaine a été certainement la date fatale du 1er février. Ce jour là a vu changer le régime économique de la France, et les journaux ne tarissent pas sur l’encombrement prodigieux des ports de mer et des gares frontières. Mais, en même temps, il s’est produit, dans les régions tranquilles du haut enseignement, un petit fait qui a bien aussi son importance : le positivisme est entré, officiellement, au Collège de France. Par un décret rendu sur la proposition du ministre de l’instruction publique, une chaire d’histoire générale des sciences est créée au Collège de France, et M. Pierre Laffitte en est nommé titulaire. M. Pierre Laffitte est, comme on sait, le chef reconnu de l’école d’Auguste Comte, et il en continue l’enseignement. Avec lui, le positivisme obtient enfin droit de cité dans l’enseignement supérieur en France. Déjà, dans ce même Collège, il y a quelques années, la transformation d’une chaire a permis à M. Th. Ribot, bien connu par ses beaux travaux de psychologie expérimentale, d’y venir enseigner cette science nouvelle. La nomination de M. Pierre Laffitte est un nouveau signe des temps. L'état moderne, de plus en plus, paraît vouloir en user avec les systèmes de philosophie, comme faisait la Rome antique avec les religions, quand elle ouvrait toutes larges les portes de son Panthéon à tous les dieux de l'univers. Impartial et libéral envers toutes les doctrines, il pense que de la discussion jaillira la lumière; il laisse à la vérité le soin de faire son-œuvre et de triompher de l’erreur avec le temps. Il n’a pas la prétention de la discerner infailliblement, ni l’impertinence de vouloir...