Extrait du journal

invention des poètes helléniques.— Ils créaient, ces poètes, beaucoup moins qu’on ne le pense : c’étaient surtout de merveilleux arrangeurs, incomparables pour embellir les êtres, transformer les mots en images, les symboles en dieux, les actes des rituels en récits de légendes; ils ont fait de l’univers entier, cieux et terres, choses et sentiments, âmes et matière, un théâtre bruyant où s’agitent des milliers de figures; ils ont soumis tout ce qui existe, tout ce qui se voit, tout ce qui se dit, à leur besoin de personnification humaine, à cette religion de l’anthropomorphisme dont nous venons de voir les préludes aux temps préhistoriques. Mais à travers ces fictions qui encadrent et ces imagés qui recouvrent, nous apercevrons toujours une réalité originelle, précise et datée (1). Mon ami M. Victor Bérard, dans un livre fameux, nous a montré que l’enchanteresse Circé, qui causa tant d’ennuis à Ulysse, était une sorcière attitrée du Latium, desservant, comme tant de prêtresses des îles et des caps occidentaux, les cultes orageux des rivages; et il nous a dit aussi que les Cyclopes étaient les cratères volcaniques de la Campanie, monstrueusement ouverts comme des « yeux de la Terre »,etque les Sirènes sont des îlots de la mer italienne, rochers devenus femmes par la magie de l’art hellénique. — Et je vous répète à mon tour que l'on pleurait réellement Phaéton le Soleil sur les rives de l’ambre septentrional, que ces scènes de désespoir racontées par les Grecs sont...