Extrait du journal

LE SALON DE 1887 (Premier article) La peinture. Si l’industrie de la peinture traverse depuis quelbues années une crise assez redoutable, si le blocus douanier des Américains a porté un coup sensible à l’exportation française, si les amateurs desserrent moins aisément les cordons de leur bourse, et si les marchands de tableaux ouvrent moins aisément des crédits aux artistes, si plus d’un peintre se repent d’avoir fait construire un petit hôtel aux environs de l’avenue de Villiers, et grevé son avenir de lourdes charges — on ne s’aperçoit guère du mal en visitant l’exposition des Champs-Élysées. La production n’a pas diminué, tout au contraire; la marée n’a pas cessé de monter. La lutte pour la vie a beau être devenue plus difficile, ceux qui y sont engagés ne reculent pas. Et comment, en effet, changer de carrière après quelques années? Il faut vaincre ou périr. Tout au plus les jeunes gens, avertis par quelques naufrages terribles, pourraientils s’arrêter tandis qu’il en est temps encore — mais non i ils ont l’insouciance et la témérité de leur âge, et, pleins de confiance, ils se lancent sur le grand océan. Jamais l’École des beaux-arts et les ateliers libres n’ont compté plus d’élèves, résolus, à leur tour, à tenter la fortune. Le jury d’admission a beau se montrer de plus en plus sévère, il faut chaque année grossir le catalogue de quelques numéros, il faut chaque année ouvrir une ou deux salles nouvelles au premier étage du palais de l’industrie....