Extrait du journal

L’EUROPE ET LE CONGRÈS I. Le désordre où nous voyons l’Europe n’est pas un accident dans notre histoire contemporaine. Voilà tantôt vingt ans qne dure la crise dont les événements d’Orient ne seront malheureusement pas le dernier épisode. Voilà vingt ans que le système européen est en révolution et que la société politique européenne se dissout. Il faut remonter jusqu’au congrès de Paris, en 1856, pour retrouver quelque chose qui ressemble à une Europe. Il a été de bon ton, pendant un certain temps, de dédaigner l’alliance de 1854, de ne voir que les stériles combinaisons d’une diplomatie sans avenir dans l’union de l'Angleterre, de l’Autriche et de la France et dans le traité de Paris, qui en consacra l’œuvre conservatrice et pacifique. Il en sera, toutes proportions gardées, du congrès de Paris comme il en a été du congrès de Vienne: apures l’avoir critiqué et condamné, on finira par reconnaître que ceux qui s’efforcèrent alors d’organiser la paix européenne apportèrent au règlement de cette grande affaire des vues incomparablement plus élevées que celles qui ont prévalu depuis et un sentiment des intérêts de la civilisation occidentale qui parait s’être singulièrement affaibli chez les hommes d’État de notre temps. Quand on lit les correspondances diplomatiques de 1854 et de 1855, il semble qu’on soit transporté dans un siècle différent. Contenir les forts, protéger les faibles, défendre contre les excès d'un seul les intérêts de tous, c’était une politique au moins aussi pratique et à coup sûr infiniment plus noble que celle dont le triomphe trouble autourd hui si profondément le monde européen. Ce n’était point en réalité pour l’empire ottoman, c’était pour sa propre indépendance que l’Europe combattait en Orient. « Tous les États amis du droit et de la civilisation en Europe doivent tendre *> se réunir dans un but commun de résistance aux exigences...