Extrait du journal

« Laissez-moi. La promenade aux champs m’est conseillée, non pour appliquer mes facultés raisonantes, mais pour les détendre. Comment cela ? Par la dispense de trouver une suite et d’établir des rapports entre les objets... Je marche : il passe sur ma rétine une file de peupliers, — joli éclairage des feuilles jaunes frissonnant là-haut, coassement aérien des corneilles... c’est bien; — il passe un attelage de chevaux qui labourent, —rythme appuyé de leur lente avancée, glèbe brun rouge, luisante en plaque du côté coupé, pulvérulente et mate du côté où elle retombe, chemise de l’homme enflée par* le vent.... c’est bien! — il passe une carrière de salez ouverte à flanc de coteau, sous une bruyère hérissée d’ajoncs et de pins noirs, — beaux plissements du sous-sol mis à nu, coups réguliers du marteau des casseurs de cailloux, impression de solitude stérile et humble... Et voilà... Nulle conclusion. Cette débandade d’objets ébranlant tantôt un de mes sens, tantôt un autre, et s’enfuyant en arrière, est le délassement delà promenade. Me voici, pour un temps, passif: tel un écran où des images sont projetées, un timbre touché qui résonne. C’est cela le repos....