Extrait du journal

On m'écrit d'Alsace î « Jamais chez nous en Alsace on ne se servirait du terme de « Petits Belges ». Lorsque nous parlons des Belges — et j'ai souvent l'occasion de parler d'eux dans des réunions (m''occupant d'œuvres socia les) et de dire quelle admiration j'ai pour les magnifiques œuvres sociales qu'ils ont réalisées — nous disons nos « chers amis les Belges » ou « nos chers voisins les Belges ». « La vive sympathie qu'a rencontrée chez nous la nation belge et son roi lors du " tragique accident de la reine Astrid est bien la marque la plus sincère de l'amitié et de l'affection que nous avons pour eux. A ce propos je voudrais vous communiquer une parole touchante d'une simple paysanne de la région de Dieme* iiitqen avec laquelle je m'entretenais ' ce j 'ive accident. Elle me dis dans ce rude patois germanique tant décrié « Ils ont de la chance, les Belges. Ils « ont au moins à lu tète de leur gouvert quelqu'un qu'on peut aimer ». Je lui répondis : « Priez tous les jours « que pareille chance nous arrive aussi « à nous un jour. » — « Ceci, me répon* a dit-elle, je vous promets de le faire ». Que la prième de cette brave femme soit exaucée J D'un Parisien : Celte expression des « petits Belges » je l'ai entendue des milliers de fois du cours de mon long séjour dans le Nord de la France, et ce fut neuf fois sur di!c- par les Belges eux-memes. Je me souviens avoir eu comme camarade de pension dans les régions libérées un architecte belge qui ne cessait de parler de la « petite Belgique », des « petits Belges », des « petits Lions des Flandres », comme il disait avec son délicieux accent de iïouscron. Il voulait faire sentir aux Français tout ce que nous devions, à ce peuple, petit certes, par son territoire, mais si grand par son sacrifice qui avait permis aux nôtre# — en retardant la marche de l'en nemi — de gagner la victoire de la Marne. Et c'est justement parce que, ce peuple était petit devant le géant allemand que son sacrifice Iut d'autant plus grand. liais inutile de le dire, notre bon camarade. Jïçhp' prêchait des convertis. Cette expression n'a jamais été employée par les Français dans mi sens péjoratif. Si nous avons quelquefois repris cette ex pression à notre compte, c'est toujours en parlant de la guerre et en l'opposant à la puissance de l'armée allemande. A savoir qu'un peuple peu nombreux a préféré la mort au déshonneur. J'ajoute que c'est tout à la gloire de nos amis Belges, que no-us considérons comme des frères. D'un autre Parisien : Ayant fait toute la guerre au front et en Belgique, dès le début, je m'y suis retrouvé au moment de l'armistice. Si nous avons souvent traité nos coura geux voisins de « Petits », cela n'a été que dans un sens purement admiratif. Hein ! disions-nous, ces « Petits Belges » ils ont rudement bien tenu le coup ! Et cet hommage si justement rendu venait de la comparaison faite entre l'exiguïté de leur pays et la grande Allemagne, à laquelle ils tenaient tète. Jeûnais depuis je n'ai entendu parler de nos frères Belges dans des termes qui puissent les diminuer, ce qui serait lâche. N'oublions pas que nous parlons encore du « Petit Caporal » pour désigner Napo léon et toujours dans le même sens. Encore un Parisien : « Je me trouvais en Belgique en 1914, j'y ai vécu durant la guerre et je ne cesse d'y faire des séjours. Aussi je crois pou voir vous affirmer que l'expression « pe tite Belgique » est courante là-bas, au moins depuis l'ultimatum de Guillaume II. L'appellation « petit Belge » en est déri vée. Elle est évidemment à usage interne et en l'utilisant les Belges laissent percer un peu de cet étonnement auquel les a voués Albert l" qui, malgré son gouver nement, n'a pas douté de l'héroïsme de son peuple. « La propagande allemande, déchaînée depuis quelques années, fait flèche de tout bois. Cette histoire des « petits Belges » ressemble fort à une querelle d'Alle mand. Où en sommes-nous donc, pour que les Belges donnent dans le panneau ? » Ils n'y « donneront » pas si nous savons prendre les précautions nécessaires pour parer aux équivoques et aux malentendus. Un Parisien, qui traite d'autres aspects du même sujet, ne laisse pas de dire : L'expression « Petits, Belges » je l'ai en tendue souvent, mais dans la bouche des Belges. Exemple ; « C'est les Petits Belges qui ont fait ça ». C'est quelque chose dans le genre de 'l'enseigne « Au petit qui n'a pas peur du gros ». Mais jamais je n'ai en tendu un Français traiter un Belge de « Pe tit Belge », surtout dans le sens péjoratif. Enfin, un de nos confrères et amis, qui s'était occupé d'une question voisine, mais de façon assez peu précise, dit-il, pour permettre une ombre de méprise, ajoute: A la vérité, je dois dire que jamais je n'ai entendu cette expression dans ta bou che d'un Français et plusiein-s de mes amis, que j'ai interrogés depuis votre arti cle, pas davantage. C'est toujours dans la bouche des Belges que j'ai trouvé ce mot. En y réfléchissant bien, je pense me rap peler certains détails qui ramènent cela à sa vraie place. Pendant la guerre, étant moi-même en relation avec de nombreux Belges, puisque né en Belgique, ceux-ci parlaient souvent avec orgueil de la « petite Belgique » et, par voie de conséquence, des « petits Bel ges », pour l'opposer à la « kolossale » Allemagne qui avait brisé ses bataillons de fer contre le fort Loncin et ses défenseurs belges. Dans la disproportion des forces en pré sence. le peuple belge puisait à cette épo que un vif sujet de fierté. La légende contre laquelle s'élève votre...