Extrait du journal

I. En Algérie : nos amitiés — Regardez, me dit Paul Sicard. Paul Sicard, le guide attentif et le fidèle compagnon de presque toutes nos courses, ne pouvait pas douter du long regard circulaire que je ne cessais de promener sur les ondulations immenses d'un large désert oranien. Il voulait seulement le fixer sur un point blanchâtre, au sommet d'un de ces mafnelons couleur, d'ocre qui se succédaient à perte de vue. — Oui, je regarde?!". — Je regarde... — Eh! bien, voyez cette ferme... Là, des patriotes ardents et fameux travailleurs sont aux prises avec notre rude Afrique; eh! bien, chaque courrier de France leur apporte leur numéro de I'Action fran çaise. Une belle et bonne chose eût été d'arrê ter la voiture et de grimper la côte pour aller serrer la main à ces grands amis inconnus. Mais tout notre séjour était chronométré, il ne fallait pas y songer, et je m'interdis même de parler mon désir, crainte qu'il ne fût pris au mot et que tout notre horaire en fût bouleversé. Après tout, qu'eussent fait de vains échan ges de paroles? Le bon échange, celui qui est utile et constant, c'est l'échange des idées. Par le journal, par cette espèce de lettre circulaire adressée de Paris à tous les points vivants, à tous les points vi brants de l'Empire français, la pensée pa triote, avec sa prévoyance, avec ses souve nirs et ses traditions, prêche la même alerte et le même souci, et la même espé rance supérieure. Une muette salutation lointaine suffisait donc à ce bref passage — comme à tant d'autres. Oui, tant d'autres! Si Paul Sicard fut le premier à nous signaler la flamme d'ami tié française qui brillait secrètement au fond de cette solitude, d'autres amis, au vent des mêmes courses, m'ont répété le même émouvant « regardez »... Partout, en Alger, en pays de Constantine, comme en Oranie, de hauts lieux qui étincelaient également sous la pluie et sous le soleil nous ont été désignés comme de chers repaires d'abonnés fidèles, amis fervents, résolus adhérents de la 'doctrine nationale et royale. Et quelquefois (la belle fête!) il arrivait que ces fiers et précieux amis d'esprit eussent la liberté de quitter leurs maisons lointaines pour venir à nos réunions. Car, heureusement, celles-ci étaient nombreu ses: tantôt une ou deux par jour, tantôt trois, même quatre ! Dé la sorte, tous les contacts possibles se trouvaient, tant ibien que mal, ménagés. Puis, après les dis cours publics, et les déclarations, il ar rivait aussi que l'on s'asseyait et que l'on devisait familièrement de l'affaire politique essentielle, qui est la défense de l'intérêt public le plus général : les petits intérêts les plus justes et les plus légitimés, sans être oubliés, étaient perdus de vue, ces robustes et vigoureux ouvriers de la plus grande France ne songeant qu'à nous pres ser de questions plus précises sur les des tinées supérieures de la patrie. On me dit qu'il fait froia, un froid moral, en certains pays de France. Pour moi, je connais une certaine chaleur algérienne, fort capable de relever la température. D'où vient-elle? C'est- simple, cela tient en deux mots, patriotisme et lucidité : un oœur brûlant qui ne se mêle pas de met tre la tête à l'envers et cette bonne tète qui ne s'en laisse pas conter. Un tel concours laborieux de l'intelli gence et du dévouement permet d'aller ferme et vite et loin. On le peut? Alors, on le doit. Et, là-bas, on le fait... A demain....