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L’Assemblée nationale, 4 mars 1848

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L’Assemblée nationale
4 mars 1848


Extrait du journal

nantie d’une clientèle considérable , nous applaudirions à celte déci sion, qui fait revivre une loi propre à garantir le monopole, et nous n'aurions qu’à remercier le gouvernement de nous défendre au moins temporairement contre une concurrence imprévue et illimitée. Mais, dans les circonstances actuelles, nous rougirions d’écouter les sugges tions de l’égoïsme. Il y a pour nous un intérêt supérieur à notre inté rêt, c’est celui du gouvernement, c’est-à-dire celui de tous. Eh bien ! nous croyons que toutes res entraves mises à la manifestation de la pensée humaine, cautionnement, droit du timbre, sont tombées avec le trône qu’elles avaient surtout pour but de protéger. Nous croyons que c’est le devoir et l’intérêt du gouvernement provisoire de recon naître et de proclamer qu’en matière de presse, la liberté est une des conséquences immédiates de la révolution. » Sous un gouvernement monarchique, appuyé sur un système élec toral limité, que la parole ne fût libre qu’à des conditions sévères, cela se comprend ; mais, sous le gouvernement de l’universalité des Fran çais, la parole doit être à tous. Nous savons que le gouvernement pro visoire veut faire de ce principe la base de la loi qu’il se propose de présenter à l’assemblée nationale ; mais c’est un principe dont il im portait de ne pas ajourner l’application. Ce que l’assemblée nationale donnera plus tard, le gouvernement provisoire n’en est pas maître : mais ce qu’il tient dans sa main, pourquoi refuserait-il de le répandre ? Le gouvernement a été hardi, et nous l’en louons, dans beaucoup de principes qu’il a proclamés, dans beaucoup d’actes qu’il a accomplis, pour bien marquer le caractère politique de cette révolution ; qu’il n'ait pas peur, dès ses premiers pas, de la liberté de la presse ! » 11 y a, nous en convenons, une objection contre le renversement immédiat des restrictions fiscales imposées à la presse. 11 est délicat de renoncer à un impôt qu’on ne peut pas dictatorialement remplacer. 11 importe aussi de ne pas diminuer les ressources publiques en pré sence de grands besoins. L’objection n’est pas sans gravité ; mais ce qui la diminue d’abord, c’est le chiffre même de eet impôt. Le nonpaiement du timbre, pendant un mois ou deux, ne fait qu’une très faible lacune dans les recettes du trésor. Cet impôt a perdu d’ailleurs de sa justice, en perdant de son égalité. Dans l’état actuel des choses, il sera difficile d’empêcher à Paris la vente de journaux non timbrés, et il se trouvera alors cette anomalie, que, parmi les journaux, les uns paieront l’impôt, et que d’autres ne le paieront pas, et cela avec une impunité certaine. La question financière disparait donc, scion nous, devant la question politique, devant les raisons de principe et d’intérêt publie qui conseillent au gouvernement provisoire de laisser à la presse toutes les franchises qu’elle a conquises et dont elle use. » Nous préférerions, pour notre compte, que le gouvernement provi soire s’engageât moins sur ce qu’il demandera à rassemblée nationale en matière de presse, et que, pour le présent dont il est maître, il abo lit toutes les restrictions. On peut dire, en effet que les élections gé nérales qui vont avoir lieu sur une base si prodigieusement élargie, sont impossibles avec la presse restreinte, telle que la font le caution nement et le timbre. 11 faut que les différentes institutions d’un pays aient des proportions entre elles. La presse du monopole est incompa tible avec le suffrage universel. Il faut une presse multiple, une presse d'une immense étendue pour descendre dans 1rs profondeurs de l’électorat nouveau. Il n’y a donc pas un moment à perdre pour faire que la presse puisse s'adapter à la largeur de nos futures institutions électives. » Pour nous, qui avons grossi pendant de longues années les rangs de l’opposition nationale, qui avons combattu maintes fois les avanies judiciaires des gouvernemens de 1814 et de 1830, qui avons donné, dès les premiers momens, des gages de sympathie à l'affranchissement de février, nous ne compren drions pas que le gouvernement provisoire s’entêtât à empiéter sur les pouvoirs de rassemblée nationale en confisquant au profit du trésor, pour un mince intérêt, une partie des fruits de la victoire obtenue au nom de la liberté. Ce serait déclarer la guerre à l’intelligence que de persévérer dans cette atteinte portée à l’émission nécessaire de la pensée, surtout au milieu de la crise où nous sommes....

À propos

La Gazette de France refusant de publier l’adoption de la deuxième République à la suite des Journées de février, Adrien Lavalette fonde son propre journal une semaine plus tard, le 1er mars 1848. En quelques semaines, L’Assemblée nationale devient alors la voix la plus forte du camp révolutionnaire. Suspendu plusieurs fois, le journal est contraint de changer de nom. Il devient Le Spectateur en 1857, mais est interdit dès l’année suivante à la suite de l’attentat d’Orsini.

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