Extrait du journal
Paris, le f) Mars. La déclaration que nous lisons aujourd’hui dans le National. journal semi-officiel, doit jeter dans le pays de \ives inquiétu des, de bien tristes impressions, si elle émane de l’Hôtel-deVille, mais si elle appartient à la rédaction du journal, elle permet la discussion la j lus libre: — nous prenons celte der nière supposition. Le National, après avoir dit qu’il faut organiser dans toute la France des comités qui correspondront avec un comité cen tral à Paris pour éclairer l’opinion, discuter et préparer les candidatures... que la chambre doit être la véritable expres sion du pays, sans surprise, sans malentendu, ajoute plus loin : « Que l’on ne s’abuse point sur nos intentions. Nous n’accep tons comme candidats que les hommes qui sont nettement, franchement républicains. La France a donné son adhésion a la République, il ne s’agit plus que de l’organiser. » Un dit plus loin qu’il faudrait être bien aveugle ou bien cou pable pour nier que la République peut seule garantir l’ordre, la propriété, la liberté. Et l’on ajoute comme péroraison : « Qu’on se tienne donc pour averti ; nous ne saurions accepter une autre forme de gouvernement, et nous sommes décidés à considérer comme une intrigue et comme une trahison, et à trai ter comme telle toute combinaison qui remettrait en question la République proclamée dans les journées de février. » Comment ! déjà des menaces ; quel est donc cet étrange lan gage? Oubliez-vous que vous êtes au pouvoir, et que chacune de vos paroles, ordinairement si dignes depuis votre triomphe, est considérée par tous comme une émanation de l’IIôtcl-deVille? Nous protesterons avec toute la fermeté de notre âme, et avec d’autant plus d’énergie que les menaces seront plus graves. Le National, nous n’en doutons pas, s’est laissé emporter par son enthousiasme, car il préfère sans doute convaincre par sa logique qu’imposer silence par la terreur : il a été trop loin. C’est faire à l’assemblée nationale une position qu’elle n’ac ceptera point, et que repoussent dès à présent tous les ci toyens indépendans. En ce moment les hommes dévoués à leur pays n’ont qu’une préoccupation sincère, qu’un désir exclusif : le maintien de l’ordre, le retour delà prospérité; ils veulent la liberté la plus absolue pour l’élection, l’union la plus intime pendant les délibérations, l’abnégation la plus complète de tous regrets après le vote de l’assemblée. Banni toutes les formes de gouvernement possible, ils n’ont point de volonté exclusive, point de répulsion absolue; ils de mandent une constitution forte et durable parce qu’ils connais sent tous les dangers publics, tous les malheurs privés des combinaisons imprévues et passagères écloses dans un orage. proclamées dans une commotion. Ils veulent réfléchir, étudier avec calme la situation du pays, interroger les convictions de chacun, consulter le vœu de la majorité. Comment, vous voulez, dites-vous la liberté des élections, la souveraineté nationale, et vous taxez d’intrigue ou de trahison toute combinaison qui n’accepterait pas comme définitifs des actes provisoires qui engagent l’avenir. Nous avons pris la résolution d’être calme devant toutes les attaques; nous acceptons volontiers la polémique qui éclaire, et nous nous refusons à toute discussion (pii irrite. Mais ici la menace vient de trop haut pour nous laisser in sensible, pour nous faire reculer devant la manifestation bien nette, bien précise de notre conviction. Dans l’intérêt de tous, nous croyons qu’il faut toujours subir avec calme un gouver nement de fait, en lui souhaitant néanmoins la plus courte du rée possible. Lorsqu’il se renferme dans son mandat, lorsqu’il consacre son pouvoir souverain au rétablissement de l’ordre ei de la prospérité publique, ou lui doit concours, dévoùment et reconnaissance, et nous avons été des premiers à remplir ce devoir envers l'Hôtel-de-Ville. Mais si la puissance provisoire, oubliant trop vite son origi ne et son mandat prétendait avoir constitué en dernier ressort, et voulait, par l'intimidation, tyranniser les convictions, con traindre l’indépendance du vote, il dépasserait son but et il produirait une réaction inévitable dans l’opinion publique. Faire violence au nom de la liberté, c’est compromettre la li berté, c’est revenir en arrière, c’est reculer l’émancipation du monde... Ne suspendez point la menace sur ceux qui, avant d’accep ter le mot, veulent connaître la constitution qui s’y rapporte. Le gouvernement d’une nation ne peut se composer d’un nom et d’un principe isolé ! République, liberté, patrie, sont îles mots qui font battre tous les cœurs jeunes et généreux ; aux mains dos tribuns il deviennent des armes terribles ; aux >eux de l'homme d’Etat et de l’homme sérieux, ils perdent toute signification, toute valeur, tant qu’ils sont séparés de l'organisation et des devoirs. Les esprits élevés sont tous disposés à voter la République, pourvu qu’elle exprime le vœu général du pays et pourvu qu’elle donne une constitution stable et progressive. Ne sa vent-ils pas d’ailleurs qu’une République parfaite, que le dévoùment de chacun à la chose publique, à la cause de tous est la dernière expression de la liberté, le dernier mot du progrès social?.. Avant tout, ils attendent le vote universel. Mais, s’ils veulent...
À propos
La Gazette de France refusant de publier l’adoption de la deuxième République à la suite des Journées de février, Adrien Lavalette fonde son propre journal une semaine plus tard, le 1er mars 1848. En quelques semaines, L’Assemblée nationale devient alors la voix la plus forte du camp révolutionnaire. Suspendu plusieurs fois, le journal est contraint de changer de nom. Il devient Le Spectateur en 1857, mais est interdit dès l’année suivante à la suite de l’attentat d’Orsini.
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