Extrait du journal
La campagne que vient de faire lord John Russell pourrait bien lui devenir funeste, et pour s’être trop pressé de renverser lord Aberdeen, il a peut-être gravement compromis les chances qu’il avait au poste de premier ministre. Depuis long temps on savait que lord John Russell se résignait difficilement à n’occuper dans le cabinet qu’une position secondaire, après avoir été lui-même pendant plusieurs années à la tête du gouverne ment. Cette situation lui pesait d’autant plus qu’elle était purement honorifique, et qu’autour de lui cette abnégation trop chevaleresque était supportée avec une impatience toute féminine. Il avait accepté le rôle de leader de la Chambre des Communes, dans l’espérance que la combinai son de coalition, qui s’était formée après la chute du ministère de lord Derby, n’aurait qu’une courte durée. Le noble lord commençait à trouver que l’union des peelisles et des whigs avait plus de consistance qu’il ne l’avait pensé, et déjà, dès l’année dernière, et dans VIntervalle des deux sessions, il s’était efforcé de se faire une situation à part de ses collègues. Nous avons été autrefois témoins de ces sortes de tactiques en France, et elles n’ont pas mé diocrement contribué à la ruine de nos institu tions constitutionnelles et parlementaires. Les hommes politiques de l’Angleterre semblent avoir à cœur depuis un certain temps d’imiter quelquesuns des mauvais exemples que nous leur avons donnés : ces exemples n’étaient pas faits cepen dant pour exciter l’envie ni émulation de per sonne. Quoiqu’il en soit, l’ambition de lord John aurait probablement trouvé son compte à cette manœuvre peu loyale, s’il ne l’avait pas compli quée d’une maladresse inouïe. Par sa brusque retraite, au moment où un membre de l’opposi tion présentait une motion d’enquête contre la conduite du ministère, non-seulement il a man qué aux coutumes parlementaires, mais il a frois sé tous les sentiments de loyauté politique dont le gouvernement constitutionnel anglais conserve encore de précieuses traditions. Les explications fournies par le noble lord, dans la dernière séance de la Chambre des Com munes n’ont pas été de nature à relever son ca ractère et à racheter sa faute. Il a été abandonné par tout le monde, par ses amis, aussi bien que par les adversaires du cabinet, et, pour comble de disgrâce, lord Palmerston est venu lui donner une leçon qui n’est peut-être que l’acquittement d’une dette depuis longtemps contractée. La conduite digne, loyale, hardie de lord Aberdeen, en présence de eette complication inattendue, relève sa situation. On sait déjà qu’il a pris la résolution d’affronter le débat et de dé fendre sa conduite et celle de ses collègues dans la direction imprimée à la politique extérieure de l’Angleterre et aux divers services du dépar tement de la guerre. Nous ne pensons pas que la discussion , quelque favorable qu’elle soit à lord Aberdeen et au duc de Newcastle, puisse consolider leur situation. Le peuple an glais est profondément irrité du rôle secondaire de ses flottes et de ses armées dans toute cette affaire d’Orient. L’idée exagérée qu’on avait conçue de la puissance de l’Angleterre, en Eu rope, a fait place à un sentiment tout contraire et tout aussi exagéré. Il faut donc que l’Angle terre, en attendant qu’elle se relève aux yeux du monde, se relève à ses propres yeux, et, pour cela, il lui faut dès victimes sur qui elle fasse retomber la responsabilité des fautes et des in succès qu’il serait plus juste de n’imputer qu’à la force des choses et à l’inexpérience de tout le monde. Lord Aberdeen et le duc de New castle paraissent destinés à jouer le rôle de l’âne de la fable, et à lord Palmerston, toujours jeune, toujours heureux, semble revenir celui du lion. Il sc pourrait bien faire que le noble vicomte sortît de toute cette bagarre parlementaire avec les sceaux de premier ministre, en laissant au malencontreux lord John le soin de se créer de nouvelles chances. Le langage des journaux anglais que nous re...
À propos
La Gazette de France refusant de publier l’adoption de la deuxième République à la suite des Journées de février, Adrien Lavalette fonde son propre journal une semaine plus tard, le 1er mars 1848. En quelques semaines, L’Assemblée nationale devient alors la voix la plus forte du camp révolutionnaire. Suspendu plusieurs fois, le journal est contraint de changer de nom. Il devient Le Spectateur en 1857, mais est interdit dès l’année suivante à la suite de l’attentat d’Orsini.
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