Extrait du journal
EN 1933, à la Conférence économique et monétaire mçndiale de Londres, un déléqué de l'Allemagne, comme pour dé montrer aux représentants de l’unbcrs que le Reich avait recouvré du même coup la souveraineté de ses « droits » et celle de son insolence, commença par ces mots la première phrase d’un discours public : « Nous qui, dans la dernière guerre, n avons pas eu d’alliés... » Pâle de rage, un ministre hongrois se dressa et cria de toutes ses forces : « Je ne sais pas s’il est vrai que vous n’aviez pas d’alliés. Mais, ce que je sais, c’est que vous n’en aura plus. » Celte scène dont je fus témoin, et qui remonte aux temps où le nœud fatal fut noué, me revient en mémoire à mesure que i aggrave le martyre de Budapest. De la capitale hongroise et de la capitale polonaise, l’historien dira laquelle fut le plus torturée. Mais nous savons déjà que l’Allemand, avant de se retirer d’une ville où pres que chaque famille est en deuil d’un père ou d’un fils mort pour la croix gammée, lui a systématiquement appliqué sa technique de la destruction pierre par pierre, de la famine homme par homme, femme par femme et enfant par enfant. C'est ce qu’on appelle, en langage nazi, maintenir le plus longtemps possible la guerre « sur la péri phérie de l’espace européen ». Chaque Magyar avait gardé la mé moire historique du temps où les Janissaires abreuvaient leurs che vaux dans le sanctuaire de Saint-Etienne. Mais la Hongrie, désor mais. aura connu pire que l’inimitié des Turcs. Elle aura connu « l’amitié » des Allemands. A vrai dire, son cas n’est pas isolé. Pour ne point parler de l’Italie, que l’alliance allemande a fait reculer de plus d’un siècle, pensons au terrible exemple de la malheureuse Roumanie. Sa carrière de satellite du Reich a commencé par la perle des deux-cinquièmes de son territoire. Pour être admise au tripot de l’ordre nouveau, il lui fallut verser, comme entrée de jeu, ses plus belles provinces, parmi lesquelles la Transylvanie qui — depuis Michel le Brave — est une sorte d’Alsace-Lorraine roumaine. A ce prix, elle pouvait espérer, du moins, éviter l’invasion et le pillage. Vain espoir, s’il fut jamais caressé ! L’alliance du pot de fer germanique et du pot de terre roumain était à peine conclue que les protecteurs allemands se ruaient sur les terres à blé et les puits de pétrole de leur vassale. Dès janvier 1941, les pillages opérés pou* le compte de l’Allemagne provoquaient de sanglantes émeutes de la faim. Restait une consolation : à la différence de la France, de la Norvège, de la Belgique, de la Hollande, de la Yougoslavie ou de la Grèce — la Roumanie, en capitulant sans combattre, s’était épar gné la guerre. Ouais / Pas pour longtemps l En juin 1941, la généreuse Allemagne, soucieuse probablement de cimenter l’alliance germano-roumaine avec du sang... roumain, précipitait la Roumanie dans la fournaise, sous le prétexte de hâter la reconquête de la Bessa rabie que le gouvernement de Bucarest avait précisément dû céder sur un ultimatum de Berlin ! Résultat : c’en est fait, ou presque, de la jeunesse roumaine. La grande Roumanie comptait environ vingt millions d’habitants, la Roumanie mutilée environ treize. Or les estimations les plus modestes évaluaient, dès le début de 1943, à 400.000 le chiffre des Roumains tués, disparus, capturés ou griève ment blessés pour le roi de Prusse. Des alors, la « collaboration intégrale » avait coûté plus de larmes et de sang à la Roumanie que la résistance au pays le plus martyrisé d’Europe. (LIRE LA SUITE EN DEUXIEME PAGE, PREMIERE COLONNE.)...
À propos
L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.
En savoir plus Données de classification - tollet
- paul morand
- fleury
- robert delavignette
- churchill
- tavar
- hamet
- tavannes
- krueger
- libé
- france
- athènes
- budapest
- roumanie
- cherbourg
- verdun
- vienne
- paris
- alsace
- new-york
- leclerc
- l'assemblée
- r.d.p
- haute-volta
- comité central