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L’Aube, 10 janvier 1945

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L’Aube
10 janvier 1945


Extrait du journal

par Maurice SCHUMANN OURQUOI faut-il que la tourmente unisse tous les hommes et toutes les femmes de France en qui la pensée chrétienne et la tradition des Droits de l’Homme s’allient et se vivifient mutuellement ? Parce que rien ne symbolisera mieux le renouvellement profond qui peut seul justifier tant de souffrances subies et de sacrifices assumés. Les chrétiens qui font consciemment courir à leur mys tique le risque de se dégrader en politique visent depuis plus d’un siècle l’un des deux buts suivants : , . Ou bien, constituer parmi les partis populaires • la cel lule de ferveur » d’où partent à la fois des pionniers et des témoins, comme ceux qui, par exemple, ont élevé le cri d’une conscience, meurtrie mais non pas déchirée, dans la honte de Munich ou dans les flammes de Guernica. Ou bien, pratiquer puis élargir la brèche, faire « la grande trouée » parmi les bien-pensants, les délivrer de, l’affreuse guenille sous laquelle l’égoïsme et la peur les ont trop longtemps travestis. Ces deux rameaux d’un seul tronc ont toujours eu, l’un et l’autre, la vocation d’être jetés par-dessus un fossé : celui qui — pour le malheur commun et par la faute de* tous — séparait l’Eglise du peuple. En quoi se distin guaient-ils donc ? En ce qu’ils partaient des deux lèvres opposées de la fissure, l’un du côté gauche de la brècher l’autre du côté droit. Or le moment n’est-il pas venu d’unir nos poignets, affaiblis et diminués en nombre par trente années d’épreuve, pour lancer, ensemble et d’un même cœur, un seul pont au-dessus du fossé ? Si nous voulons que la France, divisée contre elle-même, se présente les mains vides devant l’avenir; Si nous espérons que la patrie, en gaspillant contre ellemême ses forces amoindries par le martyre et la douleur, mutilera son propre destin; Si nous escomptons que les Français continueront et achèveront l’œuvre de l’ennemi vaincu, en se déchirant autour de petites choses, faute d’en accomplir ensemble de grandes; Si nous gardons une fidélité mortelle au principe de la facilité, c’est-à-dire de la division, alors laissons, selon l<\ grande image de Marc Sangnier, « le levain d’un côté et, de Vautre, la pâte ». Mais si nous prétendons que la nation, réconciliée avec elle-même, aborde l’avenir les mains pleines; Si nous sommes assez renouvelés par l’épreuve pour vouloir qu’ils soient révolus les temps où, selon le mot de Renan, « la lutte des factions et des partis ne permettait jamais à la France de disposer que du tiers de ses forces »; Si nous entendons vraiment que la Grande Espérance soit à vue d’homme, alors faisons entrer les valeurs morales . et spirituelles par les DEUX PORTES de la cité. Il est temps que l’amour devienne une force....

À propos

L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.

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