Extrait du journal

COMBAT contre le» mort par Maurice SCHUMANN LE gouvernement de la Libération déclare la guerre à l'alcoolisme. Nous nous rappellerons le communiqué du conseil des ministres, en date du 10 janvier 1945, comme le communiqué n° 1 de cette guerre sainte qui durera beaucoup plus de cinq ans, mais qui, si elle est conduite avec acharnement, sauvera plus de vies humaines que n'en aura coûté la guerre maudite. Pour mesurer le courage civique qu'exigera cette bataille, il n'est que de se référer au trop fameux rapport qu'adressait en 1887, à la commission extra-parlementaire de l'alcool, « l'honorable » M. Léon Say : « Le commerce des boissons est si multiple — écrivait ce grand bourgeois sans retrousser ses manchettes empesées — il se lie si inti mement à celui des alcools et des eaux-de-vie, qu'il faut craindre d'y porter atteinte en cherchant le remède contre l'alcoolisme. Il faut donc agir avec une extrême circonspec tion pour ne pas risquer de détruire un commerce qui touche à tant d'intérêts légitimes... » Et ce rigide libéral, qui emprunte le style de M. de Tocqueville pour proclamer • la légitimité » du fléau, fut non seulement le ministre des Finances d'un temps qui se croyait prospère, non seule ment membre de l'Académie française, mais encore prési dent de l'Académie des Sciences MORALES et poli tiques ! ! ! Le résultat « de l'extrême circonspection • qu'il prêchait dans ce domaine, comme dans tous les autres, est inscrit dans les statistiques : en 1887, on ne comptait en France que 404.852 marchands de vin, soit 1 pour 94 habitants; en 1936, il y en avait 508.053, soit 1 pour 68 habitants. L'exemple classique et terrifiant est celui de ce quartier de Nantes qui pouvait s'enorgueillir d'avoir 1 débit pour 11 adultes. « Avec 20 litres 10 d'alcool pur par tête (et dans ce calcul les enfants nouveau-nés comptent comme les adultes) — constate avec une lugubre ironie le docteur Aitoff — la France détient le record du monde de la con sommation d'alcool. Son concurrent le plus favorisé arrive loin derrière, avec un retard de près de 5 litres par tête et par an. » Ainsi se résume le drame : en cinquante ans, la France s'est dépeuplée, mais elle s'est peuplée de 100.000 nouveaux cabarets. (LIRE LA SUITE EN DEUXIEME PAGE, QUATRIEME COLONNE)...