Extrait du journal

Les deux sagesses pai Maurice SCHUMANN U lendemain de i autre guerre, la voix isolée d’Elie HalcVy s’éleva pour prendre la défense du passé. W Devant les universitaires des pays ravagés, qui se retrouvaient sous les ombrages d’Oxford, elle osa dire que la recherche patiente de l’équilibre à laquelle la vieille diplomatie consacra tant d’efforts calomniés avait tout de même Valu un siècle de paix relative à l’Europe. Et la conclusion d’HaleVy, suggérant un parallèle (qui parut alors sacrilège) entre Metfernich et Wilson, se demandait lequel des deux sauverait le plus grand nombre de vies humaines. Le paradoxe conservateur d’hier frappe aujourd’hui l’oreille comme une sombre et sinistre prophétie. Si Elic Halevy était encore parmi nous, il n’aurait plus à tenir le même langage. Car les faits le parlent à sa place. Et, avec eux, la sagesse tardive des plus martyrisées parmi les nations. En 1942, quand la conférence de Téhéran rassembla pour la première fois les chefs de la coatition qui, du seul fait de son existence, tenait déjà la certitude de la victoire, les observateurs les plus sagaces comprirent que la politique des zones d’influence renaissait de ses cendres froides. Si singulier que cela puisse paraître, c’est la Russie soviétique qui joua le rôle de Metternich, avec une différence essentielle et pathétique : alors que le vieux chancelier obéissait au souci d’étayer, tant bien que mal, par des contreforts plus ou moins précaires, un édifice qu'il sentait crouler et dont il Voulait retarder la chute, l’Union Soviétique était obsédée par les ravages de l’inva sion, et par la Volonté féroce d’en rendre le retour im possible avant même de l’avoir repoussée. Il nest point douteux que toute l’œuvre et toute la pensée du général de Gaulle l’incitaient à saisir l’occasion offerte par la Russie et par l’adversité. Ses écrits sont dominés par la hantise de ce qu’il appelle « l’infirmité séculaire de la patrie », c’est-à-dire par la faible distance qui sépare la capitale d'une frontière impossible à barricader. (LIRE LA SUITE EN DEUXIEME PAGE. V COLONNE.)...