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L’Aube, 23 mars 1946

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L’Aube
23 mars 1946


Extrait du journal

à la cour d'assises, le professeur Sannié, directeur de l’identité judiciaire, qui jouera par la suite à la perfection son rôle de guide, fait à la craie un rapide résumé sur la topographie des lieux que nous allons visiter. L’immeuble du 21, un charmant hôtel particulier à deux étages, est sinistre avec ses volets clos et son portail déverni qu'un serrurier re quis s'apprête à crocheter. Le tour du propriétaire Avec la pluie qui commence sur- 1 vient le cortège, une quinzaine dt j voitures que précèdent deux moto cyclistes. L’appareil de la justice est imposant et cette équipée ne doit ] point déplaire à Petiot. Très à l’aise malgré son teint plus blême que de coutume, serré de près par ses gardes du corps qui lui ont retiré ses menottes et qui, le tenant sous le bras, ont l’air de soutenir un malade. Petiot guide la Cour d’abord dans la fameuse pièce triangulaire qui, selon l’accusation, servait à la mise à mort de ses victimes et qui n’est pour la dé fense. qu’un cabinet pour rayons X. Dans la courette, au milieu de débris de toute sorte on découvre quelques tibias et des côtes humai nes ; mais ce ne sont là que des pièces anatomiques encore reliées entre elles par du fil de fer. Toutefois quand on le mène à la fosse à cadavres, Petiot a un léger recul. Sa pâleur s'est encore accen tuée : « Bon Dieu, marmonne-t-il. je vais me trouver mal. » Mais il réagit et donne au jury toutes les explications que celui-ci réclame. A son retour au palais, la Cour entend le commissaire Massu, qui était chef de la brigade criminelle sous l’occupation. Celui-ci explique dans quelles conditions fut ouverte" l’enquête. M' Floriot assène au té moin une grêle de questions insi dieuses auxquelles celui-ci ne réussit pas toujours à faire front. Il résulte des explications du commissaire que l’enquête s’amorça avant la Libération dans un certain désordre : et la défense profite au jourd'hui largement de cette cir constance. due évidemment aux malheurs du temps. Mais, d’ores et déjà, on sent que M‘ Floriot pré pare, suprême ressource, le fantôme devant lequel tremble tout jury sans passion, le spectre fameux de l’erreur judiciaire. Jean RICHARD....

À propos

L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.

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