Extrait du journal

BATAILLE IDE FLEURS Eli bien ! elle a réussi : un peu moins peutêtre que ne le rêvaient ses organisateurs, mais beaucoup plus à coup sûr que ne le croyaient Ragnérais et étrangers. Elle a réussi malgré le temps, et — chose encoie plus mirifique — malgré les préjugés. Elle a réussi tic telle façon que la voila désormais ancrée dans nos habi tudes. Comme résultat, ce n’est pas superbe : c’est inespéré. On s’était inscrit en masse pour participer à la bataille : chacun devait se surpasser et tous criaient merveille. Au dernier moment, on n’a plus crié qu’a la déroute. C’était la peur, c’était la pluie, c’étaient les sept plaies de l’Egypte et quelques autres par-dessus le marché. Ce qu’on a retiré de paroles, ce qu’on a oublié d’engagements en ce bienheureux jour, c’est chose à faire lever Jean le Bon dans son tombeau. Heureusement pour la fête, beaucoup n’avaient rien promis, et ceux-là ont tout fait. Le défilé des voitures n’était pas absolument un retour de Longehamps : mais la qualité remplaçait la quantité ; puis il y avait beaucoup de brio, beaucoup de gaité, relativement assez d’ordre. On ne pouvait rien demander de plus pour un début. En tête du cortège s’avançait, triomphal, un break couvert de fleurs, de bannières et de bébés. Toutes les couleurs, toutes les fraîcheurs réunies, groupées en un tout exquis : la main de l’actif et intelligent directeur de BagnèresSaison était passée par la ; on la devait retrouver plusieurs fois cl en plusieurs endroits dans la journée, Mentionnons aussi une charmante voiture, décorée avec goût cl conduite avec grâce par une non moins charmante jeune fille; une charrette anglaise bordée de géraniums, d’œillets et de marguerites, une autre ornée de chardons — ce qui, entre parenthèses, était de l’invention la plus bizarre cl de l’effet le plus joli — une autre encore montée par deux intrépides frondeurs, enfin une Victoria disparaissant sous les baies de sorbiers. Im possible de dire de celte voiture tout le bien que j’en pense : les grives et mes compagnons ne me le pardonneraient point. Voilà pour les assiégeants....