Extrait du journal

Il paraît que le roi de Prusse persiste plus que jamais dans ses idées de l’autre monde ; il veut absolument bri ser Vesprit de contradiction et de mensonge qui ose mé connaître les sublimités du droit divin et les avantages du gouvernement personnel. Mais n’est-ce pas le roi luimême qui est animé de l’esprit de contradiction, et ce prince-qui voit la paille dans l’œil des députés et des électeurs libéraux, n’aurait-il pas dans le sien une forte poutre dont il néglige de s’apercevoir ? Quoi qu’il en soit, le parti réactionnaire ou féodal, comme on l’appelle en Prusse, s’occupe de mystifier le roi en lui faisant accroire que le peuple est avec lui et ne demande qu’à voir briser ce terrible et trop fameux esprit de contradiction. Le moyen qu’il emploie pour cela est passablement usé, mais, comme on dit dans les comédies, ces choses-là réussissent toujours. Il consiste à envoyer au prince des députations qui se déclarent en chantées de ses projets et l’engagent à redoubler de fer meté et de vigilance. Le prince reçoit ces députations, les écoute, leur adresse des réponses à tout casser et rentre ensuite dans ses appartemens, convaincu qu’il est le monarque le plus sage et le plus judicieux que le ciel dans sa bonté ait daigné envoyer sur la terre pour le bonheur et la gloire de la Prusse. Si pourtant le roi Guillaume voulait raisonner un peu de sangfroid, il ferait cette réflexion : si la nation est aussi enchantée de mon gouvernement que toutes ces députations me l’assurent, comment se fait-il qu’aux élections elle ne manque jamais d’envoyer une majorité considérable de députés libéraux à la chambre ? Mais le roi Guillaume ne s’avise pas de faire cette réflexion si simple, car malheureusement on ne pense jamais à tout. C’est donc la comédie banale des députations qui se joue pour le moment en Prusse. Les acteurs de cette co...