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Le Charivari, 9 janvier 1869

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Le Charivari
9 janvier 1869


Extrait du journal

Le théâtre représente l’intérieur d’une habitation à la campagne. Dans l’angle, près de la fenêtre, un berceau occupé par un enfant qui parait dormir ; c’est 1869. Un grand vieillard à barbe blanche veille à ses côtés ; il a une faux et un sablier. (On frappe à la porte.) le vieillard. — Entrez. (Un homme parait enveloppé d’un grand manteau et le chapeau rabattu sur les yeux.) l’homme. — Je suis le premier, tant mieux. Bonjour. le vieillard. — Qu’y a-t-il encore pour votre service? l’homme. — Comment va la petite? le vieillard. — Vous voyez; elle dort. l’homme. — Laissez-moi l’embrasser. (Il s’approche, retire son chapeau et laisse voir un vi sage affreusement grêlé.) le vieillard. — Prenez garde, vous allez lui faire peur. l’homme. — Je t’embrasse au nom du père, du fils et du saint-esprit. Puisse ce baiser, ma chère enfant, faire passer dans ton âme l’amour du pape, le respect des zouaves pontificaux et la haine des libres penseurs. le vieillard. — Vous lui avez déjà dit tout ça hier. l’homme. — Je le lui redirai encore demain. Si vous sa viez combien j’aime cette pauvre petite ; tenez, voici quel que chose que j’ai acheté pour elle. le vieillard. — On dirait un biberon. l’homme. — C’en est un aussi, mais le liquide qu’il ren ferme ne ressemble en rien aux préparations ordinaires. C’est le lait des bons principes ; donnez-le lui à sucer aussitôt qu’elle ouvrira les yeux. Au revoir, mon frère. (Il sort. On entend un grand vacarme au dehors, puis doux hommes se précipitent en même temps dans la •chambre et vont s’asseoir de chaque côté du bureau.) le vieillard. — Toujours les deux mêmes Allemands. En voilà qui ont l’air de se détester, par exemple. l’autrichien (penché sur le bureau à gauche). — Tu sais quo j’ai une revanche à prendre. le prussien (de même à droite). — Tu sais que j’ai en core des annexions à faire. l’autrichien. — L’équi.ibre européen est détruit si je ne flanque pas une danse à ce Prussien-là. le prussien. — L’influence de l’Allemagne est compro mise si tu laisses l’Autrichien relever la tête. l’autrichien. — Seconde mes projets. le prussien. — Protège mes plans.’ (Ils sortent ensemble en se menaçant.—Entre une grosse dame voilée, tenant par la main un enfant.) la dame. — Mademoiselle 1869, s’il vous plaît. le vieillard. — C’est ici, madame. (A part.) Tiens, c’est la première fois qu’elle vient, celle-là. la dame s’approchant du berceau. — Ce n’est pas pour moi que je viens te demander quelque chose, c’est pour mon fils ; le pauvre enfant n’a plus de couronne. (Une vingtaine d’hommes se précipitent en môme temps dans la chambre.) tous parlant à la fois. — Qui est-ce qui parle de cou ronne ici ? Moi seul y ai droit. un duc. — Je suis Français. un prince. — Je suis Anglais. un général. — Je suis Espagnol, voix diverses. — Moi Portugais, moi Italien, moi Alle mand. le vieillard. — Pauvre enfant ! Comment fera-t-elle pour contenter tout ce monde ? (Entre un colporteur avec un ballot.) le colporteur. — Le commerce est la source inépuisa ble des richesses ; mais le commerce a besoin de paix et...

À propos

Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.

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