Extrait du journal

Il faut s’attendre maintenant à apprendre tous les jours quelque nouvelle extraordinaire. Ce matin mon concierge m’a arrêté au moment où je passais devant sa loge. — Monsieur, m’a-t-il dit, est-ce vrai ce que l’on ra conte ? — Et que raconte-t-on? — Que la déclaration de guerre de l’Autriche vient de paraître. Ce n’est pas mon concierge seul qui m’a fait cette question; de tous côtés on me l’adresse et il est certain qu’une dépêche électrique ou un télégramme, si vous aimez mieux, donne ce bruit sous toute réserve, c’est à dire sans aucune garantie du gouvernement. Il me semble que l’on va un peu vite en besogne ; pour peu qu’on continue à marcher dans cette voie, mon concierge m’arrêtera encore demain. — Monsieur, la nouvelle est-elle vraie? — Quelle nouvelle? — On assure que les Autrichiens marchent sur Turin. A chaque jour sa nouvelle : Lundi. — L’Autriche a gagné une bataille. Mardi. — L’Autriche est entrée à Turin. Mercredi. — L’Autriche a pris Alexandrie. Jeudi. — L’Autriche s’avance sur les Alpes. Vendredi. — L’Autriche a franchi les Alpes. Samedi. — L’Autriche a jeté un pont sur l’Isère. Dimanche. — L’Autriche a passé la frontière et elle s’avance à marches forcées sur Grenoble. Cette brave Autriche ne manque pas de gens qui s’in téressent à elle. 11 y en a qui vous prennent au collet sur le boulevard : — Ah ! mon cher ami, vous disent-ils, que je suis donc sise de vous rencontrer 1 — Et moi donc. — Êtes-vous toujours pour la guerre ? — Toujours 1 — Justement je viens de recevoir une lettre d’un de nies amis qui occupe un rang élevé dans l’Etat, j’espère qu’elle vous ouvrira les yeux....