Extrait du journal
Le discours du général Chanzy devait produire et a produit un effet foudroyant sur les monarchistes de toutes nuances. Leur colère est d’autant plus violente qu’elle est obligée de se concentrer et qu’ils ne peuvent pas traiter de démagogue et de communard un homme qui, après avoir vaillamment combattu pour la France, a failli être fusillé par la Commune. C’est là précisément le motif des grandes fureurs de nos adversaires. Ils avaient un thème tout fait, ils le brodaient de variations plus ou moins calomnieuses, et cela suffisait à duper un certain nombre de bourgeois pusillanimes. Les républicains ? Tous gens sans aveu, tous partageux, tous pillards, tous scélérats oubliés par le bagne I... Mais les choses changent singulièrement de face. Cette forme de gouvernement contre laquelle on a cher ché par tous les moyens à ameuter l’opinion est en train de rallier les hommes les plus sages, les plus considérables et aura bientôt pour elle tous ceux qui font passer le patriotisme avant leurs ambitions per sonnelles. Comment faire à présent? Prudhomme lui-même en lisant des discours comme celui de M. Chanzy ou des adhésions comme celle de M. le marquis de Noailles en arrive à se dire : — Ah ! ça mais, on s’est donc moqué de moi ? Cette République subversive et abominable n’a donc pas pour elle que des partageux? Voilà que des généraux, des ambassadeurs la procla ment la seule forme légale et possible de gouverne ment. Mais je ne demande pas mieux alors moi que de devenir démocrate... Les monarchistes, je le disais, sentent toute la gravité du coup qui leur est porté, et l’un de leurs avocats ordinaires, M. Eyma, laisse échapper cette exclamation pleine d’un candide effroi : — La république est à nos portes! C’est ce qu’il faut que nous nous disions, nous autres monarchistes, à qui il n’est pas encore interdit de plaider pour nos rois. M. Eyma ne s’aperçoit pas même, tant il est troublé, qu’il donne dans son exclamation l’explication même des progrès de la République, qui, comme ii le dit, est à sa porte. Ces progrès, mon confrère, ils s’accentuent tous les jours davantage tout justement parce que vous plai dez pour vos rois. Tout est dans ce pluriel de Damoclès qui plane et planera éternellement sur votre tête. Abon dance de biens ne nuit pas, dit le proverbe, mais abon dance de rois, c’est autre chose. Vous aurez beau faire, vous aurez beau lancer à la majorité vos adjurations éplorées, vous y perdrez votre pathétique. La majorité n’y peut rien. J’ajoute qu’elle ’y a jamais rien pu et que vous vous méprenez singu lièrement quand vous prétendez que le patriotisme dont elle a fait preuve à Bordeaux a tourné contre elle. Il n’y a jamais eu de sa part ni patriotisme, ni abné gation, ni condescendance. Il y a eu impuissance, en core impuissance, toujours impuissance. Voyons, soyez juste pour vos pauvres amis, ils se sont assez démenés, ils ont assez comploté, ils ont assez imité l’écureuil tournant dans sa cage sans avancer jamais. On peut appliquer à cette pauvre monarchie dont vous portez...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
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