Extrait du journal

C’est à Malines que l’ascension a eu lieu, et déjà vous en connaissez les détails. Il importe pourtant de relever quelques-unes de ces déclamations pour faire juger de la valeur des autres. La première perle que nous rencontrons, c’est celle-ci : « Les épreuves, les combats, la lutte sont ce qu’il y a de plus digne de l’homme et de Dien. La vertu, virtus, la force de l’âme serait inconnue sur la terre s’il n’y avait pas les épreuves de la vertu. Aussi quand le Christ est apparu dans le monde, n’a-t-il rien trouvé de plus digne de la divinité que les luttes du Calvaire et de la croix. » Mais aussi quelles forces, quelles consolations, quels rayons de soleil Dieu ne nous ménage-t-il pas? Il n’y a pas un siècle qui n’ait sa lumière, sa consola tion, son espérance; mais la lutte est éternelle. » Ne dirait-on pas en vérité que c’est un martyr qui parle. Voyons donc quel est le Calvaire de monsei gneur pour qu’il fasse si haut sonner ses épreuves dou loureuses. Un palais pour domicile, un traitement rondelet, bonne table, bonne voiture, un fauteuil à l’Académie, des reclames pour ses plus mauvais livres, grâce à l’es prit de coterie et de parti qui entonne le chœur quand même. Le pauvre homme ! le pauvre homme I Comme ensuite on sera disposé à l’écouter quand il viendra parler de la valeur des mots et faire un cours de linguistique ! Car il y a de tout dans la harangue, de tout, hormis de la logique. M. Dupanloup déclare que notre siècle confond tout, les choses et les termes ; et pour preuve de son asser tion il cite les expressions : réformés—philosophes et libéraux. Nous ne prendrons pas la peine de répondre, mais vous avez raison, monsieur, raison sur un point. Oui, en effet, il est aujourd’hui un parti qui fait des mots le plus étrange et le plus coupable usage. Ce parti, vous devez le connaître et le connaitre à fond. C’est celui qui prend fanatisme pour synonyme de religion ; C’est celui qui prend rancune pour synonyme de cha rité ; j C’est celui qui prend violence pour synonyme de douceur. Ce parti-là, monsieur, au lieu de faire aimer Dieu, prend à tâche de le rendre haïssable en cherchant à en faire le complice de ses colères impuissantes. Ce parti-là, en prêchant la pauvreté et l’abnégation dans ses livres, convoite dans ses actes le pouvoir et la fortune. Ce parti-là a sans cesse, au nom d’un culte de paix et d’amour, l’injure et i’apostrophe à la bouche. Heureusement semblable à certains énergumènes qu dans leurs accès tournent leur rage contre eux-mêmes sans s’en apercevoir, il se détruit de ses propres mains. Qu’il continue donc de tenir des congrès ordinaires ou extraordinaires, qu’il convoque même des conciles, si bon lui semble. C’est tant mieux pour la libre pensée. L’ultramontanisme ne peut que perdre à être connu. Paul Girard....