Extrait du journal

Du boulevard des Italiens, dimanche 12 février 1865. Monsieur le rédacteur, Après l’orage, vient le calme. Je chercherais vingt ans sans trouver une façon plus originale et plus neuve d’exprimer la situation de la bourse. Ce calme est à peine troublé par de légères escar mouches dont les coups de fusil s’évaporent en fumée. Baisse-t-on ? hausse-t-on ? Montaigne dirait: Que sais-je? et Rabelais: Peutêtre ! Ce qu’il y a de certain, c’est qu’une crise s’est mani festée sur les valeurs italiennes, et cette crise n’a pas pu entraîner le marché du côté de la baisse. 11 est positif d’un autre côté qu’un grand raffermis sement de toutes les valeurs espagnoles a eu lieu, sans parvenir à faire pencher le marché vers la hausse. Ni hausse, ni baisse: attente générale. Vous me demanderez sans doute : qu’est-ce qu’on al“ tend ? Je vous répondrai : On attend le discours d’ou verture des chambres. Jusque là personne ne veut en gager de nouvelles opérations. Je vais donc profiter de ce moment d’expectative pour vous faire l’historique des deux petits mouvemens qui ont eu lieu, en commençant par La baisse italienne. Alpaga courait de groupe en groupe et tirait mysté rieusement de sa poche les télégrammes suivans : Turin, midi. Turin s’est déclaré indépendant : On a proclamé la déchéance de Victor-Emmanuel. M. Boggio sera prié d’accepter la couronne du royaume dont Turin formera la capitale. Turin, 1 heure. M. Boggio accepte la couronne, il régnera sous le nom de Boggio 1er. La corporation des fumistes a voulu être la première à le reconnaître et à lui prêter le ser ment de fidélité. Partout on foule aux pieds la croix de Savoie. Le café Florio, dernier asile des partisans de la maison de Savoie, a été mis en état de siège. Florence, 2 heures. La plus grande émotion règne dans la ville par suite de nouvelles de Turin. Le conseil des ministres délibère. Florence, 3 heures. Le général La Marmora vient de se mettre à la tète des troupes, il marche sur Turin. La guerre civile est commencée. D’autres télégrammes habilement lancés annonçaient les nouvelles suivantes : « Victor Emmanuel est indisposé. » Victor-Emmanuel est malade. » Victor-Emmanuel est mort. » Voilà pour les canards politiques ; quant aux canards financiers ils n’étaient pas moins nombreux. Je vous les donne par ordre de télégrammes : Turin, 9 février. Le parlement italien vient de renvoyer devant une...