Extrait du journal

que les dogmes deviennent intolérans en perdant même la conscience de leur intolérance. Que les troupiers jouissent donc de leur reste, l’esprit militaire s’est réfugié dans l’assemblée, nous assistons au triomphe du chauvinisme parlemen taire. L’éloquence taillée en brosse des tourlouroux législateurs est la seule qu’on écoute. Le soldat français ne connaît pas d’obstacle, il aborde de front toutes les questions, politique, morale, légis lation, économie politique, diplomatie ; il est l’en fant chéii, l’heureux vainqueur de toutes les con naissances humaines, il triomphe tour à tour de la brune et de la blonde, lovelace de tribune il enlève le cœur de toutes les discussions. Doué autrefois d’une amabilité irrésistible, le troupier français a maintenant l’éloquence infuse. Un troupier n’ouvre pas la bouche à l’assemblée sans qu’aussitôt un silence bienveillant ne règne sur tous les bancs. Quel aimable voltigeur que celui-ci! quel solide grenadier que celui-là ! sa fougue est sans pareille ; son sangfroid viendrait à bout de tous les obstacles. Comprenez-vous quelque chose à ce qu’ils viennent de dire ? non, et vous ? ni moi non plus, mais ce doit être excellent. Ils frisent si bien les rrr et parlent avec tant de facilité ! Depuis cet épouvantail de moineaux politiques, ce mannequin couvert des oripeaux d’une ridicule dic tature, jusqu’à ce naïf hussard qui s’imagine qu'on met le courage civil en articles de lois, la majorité prend tous les troupiers au sérieux, et si elle rit parfois des prétentions et des excentricités de quel ques uns, la majorité a tort, car ceux-là ne sont ni plus prétentieux, ni plus excentriques, ni plus nuis que les autres. Mais qu’un ouvrier intelligent comme Nadaud, qu’un philosophe éloquent comme Pierre Leroux se présentent à la tribune, on refuse de les entendre, c’est à peine s’ils peuvent obtenir un moment d’at tention alors même qu’il s’agit de défendre les plus chers intérêts du pays et d’evpliquer la pensée qui fit instituer la garde nationale en 89, pensée que les étrangers ont appliquée en soudant, pour ainsi dire, la garde nationale à l’armée au moyen de la landwehr. La défense du territoire, les réductions du budget, l’unité de toutes les classes, à quoi songe donc M. Pierre Leroux? Il s’agit tout simplement de complé ter par la loi sur la garde nationale la restauration de l’inégalité sociale, déjà si heureusement commencée par la loi du 31 mai. Les classes pauvres ne feront...