Extrait du journal
Du boulevard des Italiens. Dimanche, 15 avril 1877. Monsieur le rédacteur, Si j’étais poète, je m’empresserais de composer un sonnet intitulé : La semaine terrible. Mais je ne suis pas poète, et je me contenterai de raconter en humble prose la tragédie de cette se maine. Elle a été des plus émouvantes, les acheteurs sont consternés, et les défections se sont succédé dans leur camp. Tant qu’il n’a été question que des ventes de la bande noire des financiers allemands, on gardait un reste de courage. Mais quand, à la Bourse de jeudi, ou a appris que le faubourg Saint-Honoré, lui aussi, passait du côté des vendeurs, alors les plus intré pides ont été consternés. Tu quoque! s’écriaient-ils. Et ils ajoutaient : Du moment que ce faubourg Saint-Honoré, d’une trempe si solide d’ordinaire * se met à lâcher son paquet, c’est que la guerre est certaine. Il n’y a donc plus qu’à suivre son exem ple. J’ai vu un baissier qui voulait absolument ven dre jusqu’à sa culotte; heureusement, on lui a fait observer qu’il y avait des dames dans le voisinage de la Bourse. Revue rétrospective. Avant d’aller plus loin, jetons un regard derrière nous. Le dimanche qui a suivi le dimanche de Pâ ques, où, s’il vous en souvient, une hausse fleurie était à l’ordre du jour —vous voyez que je tâche, mal gré tout, d’évoquer des images poétiques—les bour siers, qui s’étaient donné rendez-vous sur le bou levard, étaient fort mal impressionnés; les couis fléchissaient, et, vers les quatre heures, cette dé préciation fit de nouveaux progrès. Toutefois, il était difficile d’entamer des affaires sérieuses. Mais, le lendemain, voilà tout à coup un de ces revirements qui tiennent du prodige, comme si la spéculation avait été aspergée d’eau de Lourdes. La hausse fait explosion. En quelques bonds l’Emprunt atteint 103 50, et ' le 3 0/0 73 20. Pourquoi et à quel propos ? Mon enquête. Il ne manque jamais en pareil cas de gens qui se chargent de tout expliquer. Aussi les suppositions vont leur train, et les ca nards prennent leur volée. Les plus malins affirmaient qu’une maison bien connue pour ses relations avec l’Orient, avait été avertie par dépêche que la paix était définitivement conclue avec le Monténégro. D’autres prétendaient avoir appris par le télé- i graphe que ce même jour, à la Bours< de Lyon, on avait fait de l’Emprunt à 108 60 par suite d’ordres d’achats venus de Paris. '...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
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