Extrait du journal
Les envahisseurs ne se refusent aucun genre d’ironie. La dernière surpasse toutes les autres. Nous voulons parler du communiqué prussien envoyé aux journaux de Reims, pour déclarer que les gouvernemens allemands ne traiteraient point avec la répu blique, mais avec l’empereur ou la régence. C'est tout simplement le prologue d’une restauration. On aime à rire en Prusse. Quant à nous, nous trouvons les circonstances trop sérieuses pour nous egayer en compagnie de M. de Bismark. Aussi quelque dérisoires que puissent être les prétentions prussiennes en ce qui concerne le gouvernement de la France, nous répondrons grave ment à ce qui n’est qu’une parodie. Donc, le scénario de la comédie qui doit servir de post-faceau drame sanglant de l’empire, est arrangé en famille. Le vaincu a pris le vainqueur pour collaborateur ; c’est du dernier charmant. Et voici comment les cho ses se passeront : on mitraillera, on bombardera, on incendiera; puis, quand les morts seront accumulés, quand le canon aura creusé des plaies béantes dans nos murailles dont les défenseurs ne seront plus, alors M. de Bismark prendra p»ar la main Napoléon III et lui dira : — Donnez-vous donc la peine de rentrer. Vous êtes ici chez vous... Prenez garde, il y a une mare de sang de ce côté. Mon dieu, oui, du sang français, mais à la guerre comme à la guerre... Attention, sire, vous avez de la peine à marcher, souffrez que je vous donne la main pour vous aider à enjamber cette pile de cadavres... Plait-il? Vous trouvez que nos boulets ont quelque peu endommagé vos superbes boule vards?... Bah ! deux ans d’Haussmann et il n’y paraitra plus... Pardon, vous mettez le pied sur un blessé qui n’est pas tout-à-fait mort. Au fait, vous avez raison, c’est un drôle qui a l’air de vouloir crier : vive la Répu blique ! avant de rendre l’àme Ainsi seront réglés l’ordre et la marche du cortège. Et peut-être les hommes d’Etat de la Prusse se sont attendus à nous terrifier par cette mascarade. Ils ont la vue basse s’ils n'ont pas mieux lu dans les brouillards de l’avenir. Ils font de la République sans le savoir, ces Jourdains politiques. Si la République, en effet, avait eu à choisir un moyen de s’implanter définitivement en France et de se faire accepter par tout ce qu’il y a d’honnêtes gens, elle n’en aurait pas trouvé de plus infaillible. Ramené dans un fourgon prussien et traversant nos ruisseaux avec du sang jusqu’à la cheville, le second empire deviendrait un sujet d’horreur pour les plus indifférens. Ce n’est plus de la politique cela, c’est une question de dignité humaine. De telle sorte qu’en faisant mine de le patronner les Prussiens donnent le coup de grâce au régime déchu. De profundis! Le gouvernement de la défense nationale, pour prou ver d’ailleurs que la France est maitresse absolue de ses destinées et veut sincèrement l’avènement de la démocratie, a pris une série d’excellentes mesures. Il -va être procédé dans toutes les communes de...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
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