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Le Charivari, 19 janvier 1869

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Le Charivari
19 janvier 1869


Extrait du journal

(La scène se passe dans un quartier populeux de Paris.) La salle est comble. Au parterre exclusivement les hommes, presque tous ouvriers ; au fond une nuée de petits crevés, entassés debout les u s sur les autres, armés de leurs binocles, lorgnant les, femmes et se prumeitantde bien rire; aux galeries quelques groupes de famille. On distingue çà et là dans les masses des figures qu’on semble avoir vues quelque part; ces individus se font généralement remarquer par une redingote à collet gras, un chapeau luisant et une cravate en cri noline. Pfut-êire se connaissent-ils entre eux, car quelquefois ils se lèvent et se font de l’œil je ne sais quels sigiiijs. Du reste pas de police ; on pourrait croire qu’on est libre, n était l'habitude perdue depuis long temps et qui rend d’abord hésitant et timide. Le théâtre représente une sorte de tribune, à en ju ger par la car.if i et le verre. Derr ère cette tribune une table oblongue où sont assis sept ou huit personnages beaucoup lmp préoccupés du soin de savoir si on les voit bien de tous les coins de la salle ; à côté d’eux un petit monsieur sec et frétillant, lèvres pincées, oreilles grandes et rouges et cheveux plais, c’e?t le président de la séance. Puis, derrière, un homme se promène en long et en large d'un air inquiet et agité, regardant tantôt les becs de gaz, tantôt sa montre; c‘e t le pro priétaire du local, il est d’un s pâleur effrayante; on le dirait à la veille d’être jugé; peut-être n’est-il pas bien convaincu que toute liberté octroyée soit aulre chose qu'un mot. J’allais oublier de dire qu’à la gauche de M. le pré sident on huit par apercevoir dans )a pénombre un monsieur noir accompagné d’une cravate blanche. C’est le commissaire. Tout à coup on entend un sourd murmure; neuf heures venaient de sonner; c’était le moment d’ouvrir la séance. Le petit monsieur sec s’empare prestement de la tribune et salue. —Brcvo ! bravo ! s’écrient avec frénésie les petits cre vés en belle humeur. Un ouvrier qui se trouvait près de moi détourne dé daigneusement la tète, et fixant un regard fuiibond sur le groupe à binocles : — Est-ce qu’ils ne vont pas bientôt se taire ! je vais les asseoir. — Chut ! chut! silence! silence ! fit la salle. LE PRÉSIDENT. — Messieurs .. A ce mut, vous eussiez entendu un lioura général a croire que le plafond allait s’effondrer. Le président sans trop se troubler : Messieurs... — Du quoi ? de quoi ? — Toujours donc. un collet gras. — N’y a pas d’messieurs ici, c’est des citoyens. choeur des collets gras. — Bravo ! Vive la liberté! quelques ouvriers ÉLECTEURS. - Vive la liberté ! L i se lit une longue interruption. Le propriétaire ef faré s’était précipité vers le président et lui parlait avec vivacité; le président répliquait d’un air de déné gation. Entre temps les gamins qui s’étaient faufilés dans la salle s’envoyaient force quolibets : — Chouette, chouette, ça va bien. — 11 y aura du tabac. — Eli là-bas ! Pilodo, cavalier seul !...

À propos

Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.

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