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Le Charivari, 21 juin 1844

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Le Charivari
21 juin 1844


Extrait du journal

Ordinairement il fait ici de quarante-cinq à cin quante degrés de chaleur; en été on cuit tout cru. Il me semble quelquefois que ma tôle est un gros œuf à la coque ; je commence à bouillir. Cette températu re peu tempérée te donnera une idée assez chaude des Bgrémens de ce pays que la sagesse du gouvernement, pour me servir de l’expression du Journal des Dé bats, vient d’ouvrir au commerce français. Heureux commerce, va ! Il ne s’attendait pas à cet te bonne aubaine! Doit-il être content! C’est là ce qui peut s’appeler un fameux débouché aux produits de notre industrie. Le désert est sans borne et l’on y trouve une nombreuse population de gazelles, cha cals, hyènes, autruches, lézards et autres bêtes qui se mangent entre elles. Il ne s’agit plus que de les habituer à porter des chemises dfv.dicot et des bas de coton blanc. La phrase du Journal des Débats m’explique pour quoi nous avons si brusquement quitté nos cantonnemens. Evidemment le commerce français attendait, pour se bien porter, qu’on lui eût ouvert le marché du désert. Nous sommes partis, nous sommes venus, et nous avons ouvert. Personne ne s’v est opposé. Au commencement du désert, nous avons rencontré un ibis qui méditait tout de bout sur]la patte de gau che; il y en a comme ça sur l’Obélisque de la place de la Concorde. Cet ibis est sans doute le portier du désert ; il ne nous a pas tiré le cordon et nous som mes entrés. Le marché est tout prêt; il n’y manque absolument que des acheteurs. Pour nous distraire en chemin, nous avons entre pris une razzia magnifique chez certains Kabyles des environs ; on a pris beaucoup de veaux. Pour ma part, j’ai capturé un âne. Je l’ai parfaitement recon nu; il est gris comme tous ses camarades, avec un œil verron ; il est tatoué sur l’épaule droite. C’est la cinquième fois que je l’attrappe. Cet animal intelli gent a paru enchanté de me retrouver. Dans ce pays, les ânes passent leurs temps à être pris et dépris. C’est ce qui explique la quantité d’animaux que nous conquérons. Ordinairement les bœufs, les moutons et autres chèvres que nous saisissons durant le jour s’échappent quand vient la nuit; ils ont un instinct singulier pour profiter des moindres accidens de ter rain, des plus petites intempéries de l’air et prendre la clef des champs; ces intéressantes bêtes préfèrent les pâturages aux marches forcées. Mon âne décampe avec le brouillard; c’est son goût. En attendant le premier nuage, ce charmant baudet me sert de che val. Demain nous comptons nous enfoncer plus avant dans le désert ; enfoncer est ici le mot propre. Nous marchons sur les genoux. Notre nouvelle expédition achèvera d’ouvrir au commerce français cette con trée bienheureuse inventée par le Journal des Débats. Cette [promenade, par trente degré» Réaumur, me fait suer, parole d’honneur !...

À propos

Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.

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