Extrait du journal
BULLETIN. L’opinion publique s’est émue du fait si grave qu’ont révélé les débats du procès jugé à Amiens. La femme Gardin, qui s’était reconnue coupable du meurtre de son père et qui avait été par suite condamnée aux travaux forcés à perpétuité, a déclaré avoir cédé, en faisant cet aveu, à des menaces et à une pression morale. Il faut lire cette partie de son interrogatoire dans les journaux ju diciaires. Quoi qu’on puisse penser des plaintes de la femme Gardin, il y a une vérité morale que personne ne contestera : c’est que ce n’est jamais spontanément qu’un accusé se reconnaît coupable d’un crime qu’il n’a pas commis. Quel est donc le régime auquel les prévenus sont sou mis dans les prisons ? Et si ce régime est tel que le com portent les progrès de la civilisation et l’adoucissement de nos mœurs, comment a-t-il pu, dans la pratique, se glisser des abus de nature à remplacer pour ainsi dire l’ancienne question qui cherchait par tous les moyens à arracher des aveux à l’accusé ? Il y a là un mystère à éclaircir et une satisfaction à donner à la conscience pu blique. La femme Gardin avait été condamnée aux travaux forcés à perpétuité ; mais à quoi a-t-il tenu qu’elle ne fût condamnée à mort et vraisemblablement exécutée avant la découverte des vrais coupables? Que se passe rait-il à cette heure dans l’âme de l’homme dont les ri gueurs excessives auraient envoyé un innocent à la mort en le contraignant à l’aveu d’un crime qu’il n’a vait pas commis ? « Il est temps, a dit M. Dupanloup plaidant à Tours pour l’œuvre de la basilique de Saint-Martin, il est temps de renouer avec un passé dont l’éclat planera tou jours sur la France. » M. Dupanloup doit être content, car on renoue beaucoup depuis quelque temps, et nous ne voyons pas comment on pourrait renouer davantage. Il n’est bruit partout en effet que de couvens qui s’élè vent, d’églises que l’on répare ou que l’on construit, d’appels aux fidèles pour des sanctuaires à édifier ou d’autres œuvres pies. Si M. Dupanloup trouve que ce n’est pas assez de renouemens comme cela, que désiret-il de plus ? On demande donc en ce moment plusieurs millions pour recoostruire la basilique de Saint-Martin, et des lettres pastorales sont lancées à cet effet dans tous les diocèses. La chaîne du passé qu’il s’agit de renouer est toujours une chaine d’or. Remarquez, je vous prie, la direction que prend chez nous cet argent représentant le superflu du riche et quelquefois le nécessaire du pauvre et qui devrait être consacré à des travaux utiles ou au soulagement de la misère. Une moitié s’en va à Rome sous le nom de denier de saint Pierre, l’autre se dissipe en maçonneries pieuses. Que reste-t-il après cela pour les vrais besoins, au fond des bourses épuisées ? Une maigre aumône, quand il y reste quelque chose. Il y a des gens simples et de bon sens qui pensent que c’est une singulière manière d’honorer les saints que de prodiguer aux sanctuaires qui leur sont consacrés l’or, l’argent et les pierres précieuses ; c’est leur supposer les vices de la plupart des hommes, la vanité, la cupidité, l’orgueil, l’amour de l’ostentation et du luxe. Mais rai sonner ainsi c’est manifestement une impiété. Néan moins le plus beau trait que l’on cite de la vie de saint Martin, c’est d’avoir donné à un pauvre la moitié de son...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
En savoir plus Données de classification - dupanloup
- whitworth
- armstrong
- victor meu
- clément caraguel
- biétry
- tours
- rome
- amiens
- france