Extrait du journal
— Sapristi ! ferait-on, l’horizon se couvre singulière ment, il faut nous attendre à avoir de mauvaises nou velles du côté de Rome. J’avais l’intention de sortir pour aller à la Bourse, j’aime autant rester chez moi. S’il doit y avoir un orage, il ne fera pas bon à se trouver près de la corbeille des agens de change, c’est un mauvais endroit quand il y a de l’électricité dans l'air. Puis un autre jour. — Ma femme, je suis bien heureux. — Qu’as-tu, mon ami ? — Vois donc, comme le baromètre remonte. — C’est vrai, il est presque au beau fixe. — Hier soir ne m’as-tu pas demandé une robe? — Oui, mou ami. — Habille-toi, nous allons l’acheter ensemble. — Quel bonheur ! — L’horizon s’éclaircit, nous pouvons sortir pour faire des emplettes. De cette façon, grâce au baromètre politique, les esprits ne seraient pas si inquiets qu’ils le sont maintenant ; parce que le matin on saurait toujours à quoi s’en tenir, il n’y aurait plus d’incertitude. Je vous entends soupirer et dire : — Hélas ! vous nous parlez en ce moment d’une chose merveilleuse, à laquelle il ne faut pas songer, car jamais on ne parviendra à faire un baromètre politique. — C’est ce qui vous trompe, car nous sommes sur la voie pour arriver à cette espèce de prodige de la science. — Serait-il possible 1 — Oui, nous avons déjà un petit baromètre politique, mais il n’est pas encore perfectionné. Quand il y a une note insérée au Moniteur, ou un changement de ministre, ou un rappel d’ambassadeur, le public est inquiet, il ne sait quelle importance donner à cet évènement. — Il est favorab’e à la cause italienne, dit celui-ci. — Vous vous trompez, prétend celui-là, l’Italie en souffrira beaucoup. — Ce changement, soutient cet autre, prouve que nos troupes resteront à Rome. — Elles en reviendront prochainement, murmure un quatrième. Et en somme, personne n’en sait à quoi s’en tenir. Pour qu’il n’y ait plus d’incertitude possible, nous n’avons qu’à consulter le baromètre politique qui a la forme des capucins que vous voyez chez tous les opti ciens. Seulement celui-ci annonce par un autre procédé l’état de l’atmosphère. Le capucin que nous voyons chez les opticiens lève son capuchon quand il doit pleuvoir et le baisse quand le temps doit se remettre au b ‘au. Quant à notre capucin politique, il ne faut pas s’occu per de son capuchon. Le travail est tout différent. En voici l’explication : Lorsqu’il y a au Moniteur une note qui doit être fa vorable à la cour romaine, — il sourit. Dans le cas contraire, — il fait la grimace. Pour le rappel d’un ambassadeur libéral, -—il rit. Dans le cas contraire, — il pleure. Pour la démission d’un ministre ayant des sympathies pour la cause italienne, —- il se tient les cotes. Dans le cas contraire, — il éclate en sanglots. De cette manière, en consultant avec soin son capu cin on connaît la vérité....
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
En savoir plus Données de classification - pollonais
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