Extrait du journal
qui passait par là avec un commissaire de police. C’était peutêtre la Marseillaise. Une altercation toute verbale s’ensuivit, et deux minutes après, les compagnons ouvriers continuaient leur route, emportant avec eux un cadavre , celui de Montescaux ! Je laisse parler les journaux de Marseille. » Montescaut au même instant tomba atteint de blessures mortelles ; tout secours était inutile , il avait été littéralement haché à coups de sabre. >> Son cadavre a été exposé dans une maison de la rue Petit-StJean, chez la mère des compagnons. » Pendant la journée entière toute la ville s’y est portée , et a frémi en voyant les preuves de l’acharnement et de la féro cité du meurtrier. Jusqu’à l’heure du convoi, la rue n’a pas dés empli, et chacun a été admis à contempler le corps, qui était dé couvert. Une énorme balafre sur l’œil gauche l’avait coupé en deux et fait sortir de l’orbite. Quatre doigts de la main droite étaient tranchés; plusieurs blessures profondes étaient à la poi trine, au cou, sur l’omoplate et au cœur. Cette dernière, pro fonde de plusieurs pouces , était ronde et indiquait que l’arma avait été retournée dans la plaie. Montescaut, abattu par le pre mier coup de sabre reçu sur la têts , a été foulé aux pieds et achevé à terre. » Le convoi a eu lieu hier soir à 5 heures; une foule immense encombrait les rues,depuis la maison mortuaire jusqu’au cimetière. La plus grandepartie.de la population laborieuse avait quitté ses ateliers. Un ne voyait là ni gendarmes, ni agens de police; l’au torité, honteuse et craintive, nous avait fait grâce pour cette fois de sa surveillance provocatrice et assassine; et cependant pas le moindre désordre n’a en lieu dans cette foule préoccupée de si douloureuses pensées : le peuple a fait sa police lui-même. Le convoi s’est mis en marche au milieu du plus profond silence; la tristesse était peinte sur ces figures d’hommes de tout âge et de tout rang. On avait demandé que le corps du malheureux Mon tescaut fût porté découveit, afin que ses plaies saignantes parlas sent à tous les yeux; mais ces hommes que le juste-milieu repré sente comme des artisans de désordre, se sont interposés : ils ont craint que ce spectacle affreux n’exaspérât la foule déjà assez émue. On a remarqué que les diverses sectes du rompagnonage avaient fait abnégation de leurs vieilles haines , et s’étaient réu nies dans une communauté de douleur au convoi d’un frère in fortuné : ainsi, ce que les efforts de tous les gouvernemens n’ont jamais pu faire , l’atroce milieu l’obtient ; tout le monde fait céder ses antipathies à l’horreur qu’il inspire. » Arrivé au lieu de la sépulture, le cadavre a clé déposé dans la fosse au milieu du plus profond recueillement; divers discours ont été prononcés et ont altendii les assistant; nous ne croyons pas exagérer en estimant à vingt-cinq mille âmes la foule qui remplissait la vaste étendue du cimetière. C’était un spectacle touchant que de voir cette multitu le écoutant, tête nue et dans le plus imposant silence , la voix des orateurs populaires ! Le peuple est bien grand, et la gravité de sa douleur doit faire pâlir ses oppresseurs ! » Epouvantées par cette grande démonstration populaire, les autorités de Marseille ont fait afficher un décret par lequel elles déclarent que le corps des sergens de ville est suspendu , et que le commissaire de police Nègre sera est livré aux tribunaux. A Pa ris la population serait restée impassible; les gisquetaires auraient l reçu une gratification , et le commissaire la croix de l’ordre de Chose. Pendant que la population de Marseille se pressait ainsi au-...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
En savoir plus Données de classification - lechevalier
- page de
- paris
- marseille
- lyon
- bor
- france