Extrait du journal
Comme le premier devoir de la critique est de mettre à l'abri de toute surprise, même agréable, cet honnête public qu'on ne cherche qu'à dérouter par des titres insidieux, je commencerai par vous avertir que la Dalilah dont il s'agit ici n'est point celle de la Bible, et qu'elle n'en est que plus respectable du moins, c'est mon avis. C'est, sans doute, par antiphrase, que M. de Saint-Félix s'est avisé de donner à sa vertueuse héro'ine un nom qui jette sur elle tant de défaveur; car, malgré le désavantage d'une éducation négligée, quoique, d'aventure en aventure, Dalilah devienne reine d'un, peuple de voleurs, elle est trop heureusement née et connaît trop bien ses devoirs pour suivre les erreurs de son homonymd Une des conditions du rang élevé qu'elle occupe est d'y vivre en Amazone, et Dalilah s'y soumet rigoureusement, comme ferait un roi-citoyen à la charte qu'il a consentie c'est-à-dire que, dans les circonstances graves, et lorsque le salut de son peuple l'exige impérieusement, elle viole avec dignité la constitution de l'état mais alors elle n'en paraît que plus admirable, en ce qu'elle sait tempérer heureusement la sévérité de la souveraine par la tendresse de l'amante. Ce n'est pas le tont d'être bonne reine de voleurs, il faut encore être à propos femme sensible ainsi le veut la nature, que tout bon romancier doit se proposer d'imiter, et c'est à quoi ne pouvait manquer M. de Saint-Félix. Vous voilà donc pleinement rassurés sur tle compte de sa Dalilah; vous êtes bien sûrs que quoi qu'il arrive, celle-là n'entrera pas dans de coupables connivences avec les ennemis de son mari, et qu'elle ne profitera pas de son sommeil pour le mettre méchamment à la Tittts. Mais ce n'est rien encore. Dalilah se distingue, entre toutes les femmes, par des qualités moins négatives une âme grande, un esprit élevé, un cœur tendre, une noble \iassion pour les arts, la philosophie et le brigandage; de la jeunesse, de la fraicheur, un port majestueux; une belle voix de éommandement qui ne s'adoucit que pour l'heureux don Carlos de Médina enfin cette femme-là a tout pour elle, et j'ai beau parcourir...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
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