Extrait du journal

UNE TOUCHANTE MANIFESTATION. \ ' V ; v. . — •<., / il ; Paris a été témoin hier d'une solennité vraiment inattendue. Dès le malin on remarquait aux alentours du Consti tutionnel une agitation insolite. Dans les bureaux c’é tait encore bien autre chose. Un va et vient continuel bouleversait cette demeure si tranquille d’ordinaire. Bientôt on vit sortir le personnel de cette feuille au grand complet. Rédacteurs, employés, imprimeurs, tout le monde était en habit de fête. Puis le concierge ayant paru à son tour ferma les portes et colla dessus une bande de papier sur laquelle on lisait : Ferme pour cause de manifestation. Après quoi le cortège se mit en marche. Quel était donc ce mystère? De quoi s’agissait-il? Allait-on rendre grâces aux dieux de la démission de M. Grandguillot ? Allait-on au ministère porter des hommages collectifs ? Non. Voici quel sujet motivait ce déploiement de pompe. Tous lesjournaux ont reproduit, — d’après la France, et vous l’avez lu sans doute, — un fragment extrait des Entretiens littéraires de M. de Lamartine, fragment dans lequel celui-ci donne à l’expédition du Mexique son approbation aussi enthousiaste qu’imprévue. C’est pour remercier l’ancien libéral de ce dithy rambe que le Constitutionnel avait ainsi pris les armes. Et il y avait de quoi ! Le cortège formé sur deux rangs traversa les rues et les places. Tout le monde se retournait pour le regarder. On admirait surtout la mâle contenance de M. Limayrac qui se redressait si bien qu’on ne s’apercevait presque pas de sa petite taille. La procession arriva ainsi jusqu’à la demeure de M. de Lamartine. Un domestique arriva. — Que veut-on ? — Ditessà votre maitre que ce sont des amis I M. de Lamartine ne tarda pas à paraître. Il avait l’air embarrassé. Il le fut bien davantage à la vue de M. Limayrac. Mais celui-ci ne lui laissa pas le temps de se reconnaitre. Il s’avança de deux pas, tira un papier de sa poche, et commença le discours suivan’ : Illustre maitre, Vous nous voyez ici tous rassemblés pour rendre hommage au talent le plus sagace dont l’histoire poli tico-littéraire ait gardé la mémoire. Certes, illustre maître, vous avez déjà dans votre lon gue carrière exécuté de bien remarquables variations, mais nous ne pouvions nous attendre à la dernière. Elle dépasse nos espérances, elle excite nos transports. Quand on a lu dans les bureaux du Constitutionnel votre Entretien littéraire, quand on a dégusté ces pages consacrées au panégyrique de l’expédition mexicaine, ce n’a été qu’un bourrait ! Tous nous nous sentions distancés I...