Extrait du journal

rical et militaire présente, depuis nombre d’années, ce phénomène étrange de constituer un peuple qui n’est ni tout à fait mort, ni tout à fait vivant, ni tout à fait civilisé, ni tout à fait barbare. Il y a en présence, de l’autre côté des Pyrénées, deux élémens contradictoires qui se neutralisent absolument et réduisent une nation héroïque à végéter comme un homme ivre d’opium. Le peuple espagnol dort d’un sommeil lourd, hanté par des cauchemars sanglans, interrompu par des hal lucinations révolutionnaires. Il dort du sommeil agité et douloureux des peuple.'soumis à une trop longue intoxication ultramontaine. Les champignons ne poussent guère que sur le bobpourri des arbres morts. Les sœurs Patrocinioet les généraux fusilleurs, toute cette moisissure de réaction cléricale et de force bru tale, ne se développent bien que dans les bas-fonds humains d’où la vie morale et intellectuelle s’est reti rée. Et en effet, à voir le régime politique que subit l’Es pagne, ses moines, son ignorance, son abdication complète en toute matière philosophique, scientifique, ou simplement in Justrielle ; A voir comment elle se passe de la liberté de cons cience. quand tous les autres peuples d’Europe en jouissent peu ou prou depuis 1789, on serait tenté de croire qu’elle n’a plus ni cerveau ni conscience, cl qu’elle est réellement devenue ce cadavre idéal,—sicut cadavcr, — dont parlent les règlemens de la société de Jésus. Cependant, chaque jour apporte la nouvelle dune conspiration, l’annonce d’une insurrection, le bruit d’une fusillade, ou le détail d’une liste de proscription. Il est vrai que la conspiration échoue, que l’insur rection avorte, que la fusillade et la proscription seules réussissent complètement. Néanmoins, puisqu'il y a tentative de révolution ou même de simple soulèvement, c’est quo le moribond se retourne dans sa couche, c’est qu’il a des crises où d’un effort désespéré il essaie de se rattacher à la vie qui le fuit. Ne lui jetons pas le drap. Tout espoir n’est peut-être pas perdu. Aux grands maux les grands remèdes. Qu’on réunisse en consultation les médecins les plus habiles de l’Europe sous la présidence d’honneur du docteur Garibaldi, très expert en ces matières, dont il a fait sa spécialité, et qu’on soumette le cas à leur science éclairée. Voilà d’ailleurs le diagnostic exact de la maladie. « Affaissement général ; » Ignorance complète, de la nature la plus grave et la plus dangereuse, car il s’y mêle toutes les idées fausses, tous les préjugés caducs, tous les principes morbides que peut répondre l’influence prolongée des moines ; » Superstition invétérée ; » Absence absolue de toute liberté intellectuelle et polilique : ni journaux, ni tribune, ni mouvement lit téraire ou scientifique ; » Aucune industrie; » Quelques points particulièrement douloureux : le respect persistant de la monarchie et la prépondérance de l’élément militaire; toute la vitalité semble s’être réfugiée dans les casernes. »...