Extrait du journal

30 AVRIL. La questionen ce moment à l'ordre du jour dans la politique eu ropéenne , c'est la question espagnole. Trêve a été faite aux graves préoccupations qui s'attachaient aux affaires d'Orient, depuis le der nier arrangement intervenu entre la Porte et la Russie , arrangement ■dont les diplomaties rivales se disputent l'honneur et les profits, mais qui aura eu au moins, de quelque part qu'il vienne, l'avantage d'a journer les occasions de collision, et de servir les idées de paix aux quelles les peuples tiennent d'autant plus qu'ils se sont pins habitués à leur pratique. Au milieu de cet appaisement général, l'Espagne seule en livrée à des déchiremens intérieurs , ensanglantée parla guerre civile , souillée dé tout ce que peuvent inventer de plus atroce les haines des partis et leurs représailles. On suit avec une doulou reuse anxiété toutes les phases de ces uttgs, on cherche à deviner par quelle voie ce beau royaume sortira enfin du chaos où il est plongé. On passe tour à tour de l'espérance au désappointement, on se perd dans ces inextricables implications d'événemens qui prennent à tâ che de déjouer tous les calculs, et l'on se résigne, après tant de mé compte, à n'attendre une solution que de l'imprévu. Aussi les hommes qui observent de près tous les rouages du nouveau gouvernement de l'Espagne, qui, arrivés à Madrid a vecles idées françai ses ou anglaises, s'attendent à voir fonctionner, d'aprèstoutes les condi tions qui lui appartiennent, la machine représentative, sont-ils bientôt jetés dans le découragement, à voir comment y marchent hommes et choses. Rien nesefait là comme chez nous; mais aussi faut-il convenir que nulle nation n'a plus que la nation espagnole un caractère d'origina lité qui lui est propre ; nullen'estmoins faite pour être copiste, pour re vêtir la défroque d'autrui. te peuple qui avait yne littérature quand l'Europe n'en avait pas , qui avait sa grande école de peinture parallèment aux écoles de l'Italie et non à leur suite, ce peuple , même dans les choses politiques, doit, tailler ses institutions à sa mesure, car il à le génie qui crée et non celui qui s'approprie. Il ne aul donc pas s'étonner si, au milieu des douloureux tiraillemens qu'éprouve l'Espagne , il se fait peu de bonne besogne pour organiser politique ment le pays. Sans doute, la forme est trouvée, et l'Espagne, qui y tient par vieille tradition , n'en sortira pas. Cette forme, c'est la monarchie représentative ; mais les manières de l'appliquer varient ayee le caractère des. peuples qu'elle doit régijr; et peut-être une des moindres causes des embarras de l'Espagne, n'est-elle pas qu'elle se trouve entre les modèles français et anglais et qu'elle n'a pas le sien. Ces observations nous son t suggérées par les lettres que nous adresse notre collaborateur de Madrid. Elles sont même nécessaires pour bien faire comprendre de quel point de vue il faut envisager les réflexions qu'il nous transmet. Notre correspondant n'est nullement défavorable à l'administration espagnole, il ne pense même pas qu'on pût trou ver mieux que l'homme de cœur qui a dévoué sa vie au service de son pays. Mais il n'admire pas ce qui se fait, parce qu'il ne voit pas, ; au bout de toutes ces manteuvres parlementaires, une solution pour la crise qui dévore l'Espagne; il a puisé dans les vives sympathies même qu'il ressent pour le caractère espagnol, une profonde douleur de toutes ces agitations mesquines qui ne lui permettent pas de se pro duite dans sa ferme et grave allure. Il ne veut ni décourager ni dé...