Extrait du journal
tude il demeurait silencieux, jusqu'à ce que les fumées du vin eussent agi sur son cerveau. Pendant ces préliminaires, accroupi à dessein dans le coin le plus sombre -de notre masure, mon regard oblique ne quittait pas Limousin. Soit que l'intensité du froid, soit qu'une prédisposition ac cidentelle contrariât, ralentît l'excitation du vin, mon maître, contre son habitude, resta cette fois assez long-temps sans ressentir les symptômes ordinaires de l'ivresse; enfin je vis se fondre peu à peu le masque de glace qui durant la semai ne semblait pétrifier ses traits; son visage hâve se colora, ses yeux ternes brillèrent; il se redressa brusquement sur son séant et d'une voix vibrante se mit à entonner une chanson à boire; puis les progrès de l'ivresse suivant leur cours, il commença de parler à haute voix; ce jour-là les visions ou le» impressions de mon maître étaient fort gaies : de temps à au tre il riait aux éclats et applaudissait bruyamment comme s'il eût été spectateur d'une joyeuse scène. Trop préoc cupé pour prêter une oreille curieuse à ses divagations : je les'entendais sans les écouter; tapi dans l'obscurité, en apparence immobile, endormi, mes maîhs jointes sur mes genoux et mon front "appuyé sur mes mains, je faisais lente ment et tous les quarts-d'heure au plus, en me glissant le long du mur, un imperceptible mouvement qui me rappro chait du tonnelet: en deux heures j'avais gagné peut-être cinq ou sir pouces de terrain. Le jour devenait de plus en plus sombre, la neige recom mençait de tomber à gros flocons ; notre demeure, seulement éclairée par deux petites vitres sordides placées à l'imposte de la porte, était presque plongée dans l'obscurité ; grâce à ces demi-ténèbres, je mettais moins de lenteur et de circonspec tion dans les mouvemens qui me rapprochaient du baril. Soudain mon maître m'appela en riant à gorge déployée. Je restai immobile, accélérant et élevant ma respiration, afin dë faire croire à mon sommeil. — Il dort, — dit Limousin, — bah !... j'irai tout seul à la noce. Et il commença de parler et de gesticuler avec une agita tion, avec une hilarité croissante. Mon premier succès m'enhardit : deux heures après j'étais arrivé auprès du baril, placé entre la muraille et lé chevet de notre grabat; saisissant le moment où mon maître avait le dos tourné, je me blottis brusquement dans l'espace qui res tait entre le mur et le tonnelet; je jouais le tout pour le tout, car presqu'au même instant Limousin m'appela d'une voix de plus en plus chevrottante et avinée. Je restai de nouveau silencieux, immobile. Mon maître se laissa pesamment tomber sur notre couche, puis s'accoudant en prenant le baril pour traversin, il appuya son menton dans sa main gauche, tandis que, de sa main droite, il tenait son gobelet, prêt à le remplir encore, car le baril n'était pas vide... Je voyais mon maître de profil; il était à peine vêtu d'une chemise et d'un pantalon en lambeaux, troué de tous côtés;...
À propos
Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.
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