Extrait du journal
'Et voilà ce qui donnait tant de poids et de sagesse à l'opinion du ministère du 22 février sur la coopération , mesure de prévoyance. Supposez qu'elle eut été admise , il ne serait plus question aujour d'hui de don Carlos et de ses bandes armées. L'Espagne aurait à sa soldé une légion étrangère de plus de 20,000 hommes , nous n'au rions pas à déplorer l'héroïque mort de tous ces soldats patriotes qui ont péri à côté du colonel Conrad : notre influence commerciale et politique aurait grandi dans la Péninsule, notre industrie eût trouvé là des débouchés et notre pavillon.son- ts.onneur. Et qui aurait pu s'opposer à la coopération ? Nous avons souvent entendu parler à ce sujet des .démarches des diplomates étrangers , de leurs notes, de leurs menaces, au cas où le gouvernement français se déterminerait à une coopération directe dans les affaires d'Espa gne. Nous n'osons croire à tous ces bruits. De quoi se mêlerait en effet le corps diplomatique ? Il serait juste et raisonnable vraiment de voir les cabinets qui ont proclamé comme un principe de droit pu blic la politique de l'intervention, ne point reconnaître à la France la faculté de soutenir çt d'appuyer un allié avoué par un traité public et solennel. La Russie , l'Autriche et la Prussse n'ont jamais hésité à proclamer le droit d'intervention ^ en Piémont, à Naples et dans la malheureuse Pologne ; comment pourraient-elles le refuser à une des puissances signataires du traité de la quadruple alliance ? En général, notre gouvernement met trop d'importance à l'opinion que les diplomates étrangers peuvent avoir sur les mesures que nous voulons prendre en ce qui touche nos alliances. Nous ne devons rien aux cabinets européens, la dynastie de juillet existe malgré eux ; ils le disent assez et le prouvent encore mieux. La France est un pays qui n'insulte aucun gouvernement, mais son indépendance doit res ter entière ; nous ne voyons pas en vertu de quel droit des ambas sadeurs viendraient nous dire : « Nous ne permettons pas cela , nous nous opposons à cet acte. » Ce langage pouvait être bon il y a quinze ans ; mais grâce au ciel le pays est rentré dans sa force, dans sa na tionalité. Quant à la menace incessamment renouvelée du départ des ambassadeurs, elle n'est pas très-redoutable, c'est vieux, très-usé ; sj ces messieurs veulent se retirer, nous ne voyons pas ce qui pourrait les retenir; la France a moins besoin d'eux qu'ils n'ont besoin de la France. Au reste, ces menaces, on ne les accomplira pas ; l'Europe sait trop bien ce qu'il en coûte de rompre avec la nation française. Ainsi, résumons-nous.La coopération forte, décidée, l'appui moral, positif, ainsi que l'avait compris le ministère du 22 février, était une grande pensée, et c'est une faute de ne pas l'avoir suivie ; ce qui est arrivé depuis dans la Péninsule en a prouvé la justesse, et la hauteur. En aucun cas, la révolution de juillet ne peut souffrir la contre-ré volution à Madrid, pas plus que l'Angleterre ne pourrait la souffrir à Lisbonne.Tout se tient et se coordonne en politique.Enfin, quelle que soit la détermination de la F rance , ce serait faiblesse et pusillanimité d'he'siler par la considération de certaines menaces de l'Europe qu'on se garderait bien d'effectuer. Les cabinets qui n'ont pas craint de sou tenir ostensiblement don Carlos peuvent-ils se plaindre que nous dé fendions hautement la couronne constitutionnelle de la jeune reine d'Espagne? Enfin, s'il ne s'agit que d'une question de sourire et de bonnes grâces, prouvons à la diplomatie que nous pouvons nous ën passer. Nous avons engagé le ministère à s'expliquer, sur le refus fait au maréchal Clauzel, et sur l'étrange cause qu'une feuille légitimiste assignait à ce refus. Cette explication a été donnée hier, et il en ré sulte 1° l'aveu du refus d'autorisation, 2° le démenti formel de la ver sion donnée par le journal la France. Si donc on refuse l'autorisation demandée, ce n'est pas parce que certains ministres étrangers auraient menacé de prendre leurs passe ports ; c'est uniquement pour demeurer fidèle" à la politique de nonintervention, qui a triomphé au 6 septembre. Nous croyons qu'en effet la diplomatie étrangère n'a pas commis l'insolente maladresse dont on l'accuse. Mais le journal ministériel at-il bien tout dit, et cette politique même dont il se vante , et à la quelle on veut demeurer fidèle, est-elle bien à l'abri de toutes les influences de l'extérieur ? Nous ne le croyons pas. On n'a pas de-...
À propos
Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.
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