Extrait du journal
vantage, de peur de perdre les émotions présentes, et d'en trouver d'au tres moins douces en touchant le pont de nos mains. Jé brûlais pourtant de l'embrasser sur toutes ses faces, comme on fait de toute chose aimée ; je gravis le seatier qui conduit au second portique, et la première arcade où je me noyai me parut jaillir des pieds, comme une fusée que je suivis dans l'air et qui retomba bien loin. Nous escaladâmes la montagne pour nous mettre à niveau du sommet-du pont, et bientôt, nous nageâmes ea plein air, l'aqiiedu.c sous nos pieds, passant d'une montagne à l'autrev* comme la source tàrie, suspendus entre un doublé précipice d'arcades à pic. Nos yeux plongeaient sur un horizon immense : c'était glorieux pour nous à voir se rapetisser les œuvres de la nature du haut d'un piédestal créé par l'homme- Tout, au bas, me paraissait nain' en courant sur cette ligne horizontale jetée entre deux montagnes ' comme un trait d'union. Là, quelques vestiges de ruines trahissent le passage du peuple ravageur ; cette fois le Sarrasin y a perdu ses griffes ; ia tête du monument n'a reçu qu'une égratignure ; c'est imperceptible sur un si grand corps. Nous descendîmes du côté opposé, dans la forêt de chênes, pour jouir de quelque aspect nouveau. Cette fois ce fut mieux que de la surprise , vous le dirai-je ? depuis deux heures nous étions avec le pont du Gard": et... nous ne l'avions pas vu ! C'est dans cette autre face qu'il est lui, qu'il est le monument romain, qu'il s'épanouit dans toute sa radieuse éternité ! Les siècles ont créé une teinte exprès pour cette face. Quinze cents fois le soleil d'été a incrusté des couches d'or sur ces pierres, et ni les pluies de l'hiver, ni les brtimes du fleuve, rien n'a pu détacher cet éblouissant vernis de points lumineux, ce voile oriental tissu de rayons. Pour le voir en artiste de ce côté, il faut se laisser tomber, par les broussailles, sur le lit de sable que le Gard pré pare au voyageur; il faut se coucher sur ce duvet d'argent, aux plaintes du fleuve, au chant d'oiseaux inconnus, aux roulades du vent qui fait entre choquer les glands et les feuilles des c'aênes druidiques; c'est comme une sauvage ouverture de Weber qui prélude à quelque inattendue appari tion. On ouvre alors ses yeux à la merveille qui ne pose que pour vous, et l'on se replonge encore dans l'abîme d'une pensée avec une pluie de lu mière sur le visage,.le fleuve àl'oreilie, les bois partout, et devant trois rangs d'arcs de triomphe qui découpent au ciel des portiques en plein azur. C'est le paysage le plus grand, le plus complet qui soit au monde ; car où re trouvérait-on cet heureux concours d'accidens, celte harmonieuse comb' naison du travail de l'homme avec le travail de Dieu? tout cela si bien a rangé fortuitement ou par calcul du génie romain, qu'on ne suppose pas d' poque où l'aqueduc manquait à ce paysage; on se dit que tout ce déliciet ensemble remonte aux jours primitifs delà création. Dé ces pensées qui 1 tiguent on retombe, par délassement, sur quelque détail frivole avec le quel l'esprit rêveur badine : c'est m figuier sauvage qu'on se plaît à re...
À propos
Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.
En savoir plus Données de classification - bérard
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