Extrait du journal

Dans sa très-bonne histoire de Dieppe, M. Vitét a prouvé qu'il aime et comprend les arts, qu'il est à la hauteur de ses devoirs , comme inspec teur des monumens ; mais cette intelligence et cet amour des arts, pourra-t-il jamais les appliquer à la conservation de nos ruines, pour les quelles nous n'avons pas cette piété qu'ont-les autres peuples pour les leurs ? Pendant que nous laissons périr dans tous nos départemens les vieux débris des basiliques , des castels et des manoirs qui faisaient l'or gueil de nos anciennes .provinces, et jetaient sur le paysage qu'ils domi naient, une si riche teinte de poésie, partout, autour de la France, on cherche à conserver. C'est que partout on se plait au souvenir de ses ancêtres ; c'est qu'en Allemagne, comme eoAnglelerre et en Ecosse, comme eu Espagne, en Suisse et en Italie, tout en avançant dans, les siècles, on a mémoire du passé;' c'est que, nous exceptés, tous lés peuples sont curieux de leurs annales , de leurs traditions , de leur vieille poésie, de leur langue ancienne; et tout cela est écrit sur les murs qu'ils ' soutiennent et que nous laissons tomber , nous, Français, si fiers de notre goût pour les grandes choses, et qui avons la prétentieuse vanité d'être les premiers du monde pour le sentiment de l'art. Nous aidons au Temps , quand il semble avoir usé sa faulx sur quel ques-uns de ces édifices que nos aïeux avaient faits pour défier les siècles, et dqnt les cadavres gigantesques prouvent notre ignorance , à nous qui prétendons en savoir plus qu'eux en architecture et en constructions. Ce qui ne tombe pas tout seul, nous l'abattons, pour bâtir des maisons de villages, comme si les matériaux manquaient ; et lorsque les voyageurs viennent nous dire que les Turcs ont démoli les temples et les palais de la Grèce pour faire les villes où ils ont campé au milieu des restes de la civilisation, nous les appelons barbares et stupides ! t es Turcs ont quel quefois vendu des statues, des bas-reliefs aux Européens, à nous-mêmes qui nous sommes étonnés de la facilité avec laquelle ils se défaisaient de ces chefs-d'œuvre mutilés ; et nous avons fait comme eux , nous avons vendu des ruines aux Anglais. Oui, il y a peu d'années , les ruines d'une de nos belles abbayes ont été achetées par des Anglais , nous les leur avons données à vil prix ; ils ont numéroté les pierres , les ont' emportées et ont réédifié sur leurteire un des plus admirables restes de l'art an...