Extrait du journal

On parlait de Mazarin comme d’un moribond dont la fin prochaine devait rouvrir bien des cachots, et les heures s’envolaient rapides et charmantes dans celle douce intimité qu’aucune visite importune ne venait troubler. La marquise, dont l’œil inquiet s’arrêtait alternativement sur Gas ton et sur madame d’Aiguebellc, en les embrassant tous deux dans un même regard, ne tarda pas à faire une nouvelle découverte que cette fois elle eût voulu ensevelir au plus profond de son cœur. Gaston aimait Alice, cl la jeune femme, qui s’épanouissait à la voix du mousquetaire, ne laissait aucun doute sur la réciprocité du sentiment qui les entraînait l’un vers l’autre. ltien de plus pur que cet amour voilé dont madame de La Verneraie étudiait avec effroi les moindres symptômes. Gaston estimait trop Alice pour oser se permettre un moi dont elle eût à rougir, il l’entourait au contraire d’un respect religieux ; mais, doué d’une pénétration aussi rare que délicate, le vicomte no laissait échapper aucune occasion de lui être agréable. Le plus souvent, pendant qu’Alice s’entretenait avec madame de La Ycrneraic, le jeune homme, un peu à l’écart et tenant un livre ouvert dont il oubliait de tourner les feuillets, ne perdait aucun des mouvements de la comtesse, cl s’enivrait de sa présence comme d’un baume consolaient Ainsi s'écoula près d'une année, durant laquelle Gaston et Alice, réunis au foyer de la marquise, mêlèrent pour ainsi dire leurs âmes par un échange continuel de pensées, rougissant chaque fois qu’un...